Nous préparons du banku avec Hannah le dimanche matin, tandis que les chants d'églises résonnent partout autour de nous. Mon plan est de me rendre au lac Bosomtwe cet après-midi. Avec la grande quantité de banku que nous avons préparé, je pars le ventre plein, et avec une (très) grosse boule de banku installée sur mon porte bagage arrière.
Magazine ,la région du Nord de Kumasi, est également connue sous le nom du "plus grand atelier automobile de l'Afrique". C'est là où je quitte Selasi pour sortir de Kumasi.
Je dois traverser Kumasi du nord au sud, et après avoir vu à quel point il peut être difficile de traverser la ville, surtout à Kejetia, je suis heureux qu'on soit un dimanche car le trafic ne sera pas trop chargé. Je prends la route de la rocade pour avancer relativement vite jusqu'à l'Université de Nkrumah et je poursuis sur la route du lac. Ça fonctionne très bien, sauf que je me suis fait voler mon drapeau ghanéen dans la circulation.
La route du lac est pluvieuse et inintéressante, avec encore pas mal de circulation.
Normalement il y a un péage de 2GHC pour les étrangers, mais la cabine de péage est vide. Il n'y a qu'une seule route goudronnée allant jusqu'au lac. Étant donné que le lac Bosomtwe (Bosumtwi) est en fait situé dans un cratère d'impact météoritique formé il y a 1 million d'années, il est presque parfaitement circulaire (diamètre 8 km) et entouré d'une barrière de petite montagne.
C'est pourquoi il faut grimper puis descendre pour atteindre la rive du lac. Le cratère fait 380 m de profondeur et le lac descend jusqu'à 80 m de profondeur. C'est un lac sacré pour les Ashanti, et il s'accompagne d'une légende .
Il y a des hôtels sur les rives du lac et l'endroit attire les touristes. J'en ai vu pour le première fois depuis très longtemps à Kumasi. Je suppose que cela explique pourquoi les premiers enfants que je rencontre au bord du lac sont debout à côté des stands de nourriture, en train de manger des biscuits, et me demandent avec de grands sourires “J'ai faim, donne moi de l'argent“.
Je me sauve de cette ville gâtée pour prendre le petit sentier entourant le lac. Il est fait uniquement pour les 4×4 et ce n'est pas toujours facile de le suivre à vélo. Il y a une maison d'hôtes un peu isolée sur la rive qui constitue un bon endroit pour s'arrêter et faire la lessive et le reste, même si le tourisme fait que les prix sont assez élevés.
J'ai trouvé des poissons séchés sur le chemin et le personnel de la maison d'hôtes prépare, pour moi, la sauce épicée qui accompagne généralement le banku. La boule que j'ai préparée avec Hannah est trop grosse pour mon dîner et je n'arrive pas à la finir.
Le lac est propre et ne contient pas de bilharziose, le parasite qui contamine la plupart des lacs africains et infecte les gens qui osent prendre une baignade parmi les escargots d'eau douce.
Je peux donc m'autoriser sans crainte une baignade matinale sacrée dans le lac sacré.
Pour quitter la zone du cratère, je suis censé reprendre la même route que celle par laquelle je suis arrivé, mais je n'aime pas cette idée. La carte sur internet montre une autre route,de l'autre côté, et qui va directement en direction d'Obuasi. C'est parfait, mais on me prévient que ce n'est pas fait pour les vélos.
Un chemin qu'un vélo ne peut pas emprunter, ça n'existe pas. Surtout si un 4x4 peut y passer. Ça ne veut pas dire que ça sera facile, mais c'est possible d'une façon ou d'une autre. Alors je me lance. On dirait que tous les villages le long de la rive du lac ont un sponsor allemand, pour les toilettes ,pour les jardins d'enfants,... comme si l'Allemagne finançait tout ce qui se trouve autour du lac.
Quand le chemin commence à grimper pour franchir la barrière du cratère, je tombe sur une route détruite par l'érosion et très raide. Il y a des restes de goudron, témoins qu'il y avait une vrai route ici à une époque. Mais les pierres et la pente ne me laisse pas le choix, je dois pousser mon vélo. Ça prend des plombes, mes bras fatiguent et mon tshirt prend une couleur foncée au passage. Mon front, tel un robinet mal fermé, dégouline de sueur.
Après avoir parcouru 7 km en 2 heures, c'est avec grand plaisir que je retrouve les belles routes habituelles du Ghana. Je me dirige vers Obuasi, la ville des mines d'or.
Une alternative au banku est le kenkey, un plat semblable en forme de grosse boule, mais à base de maïs uniquement. C'est beaucoup moins cher et beaucoup moins savoureux. Ma faim disparait dès que mes yeux se posent dessus, mais pas pour longtemps. Je cherche du riz, mais tout les gens qui vendent à manger le long de la route dans les villages n'offrent que du banku ou du kenkey. Ce n'est pas que je n'aime pas, mais j'aimerais bien changer un peu.
Je suis maintenant retour sur une route principale et elle vient tout juste d'être rénovées par les japonais. L'asphalte est aussi lisse que possible et ce qui me permet de me rapproche d'Obuasi assez rapidement.
J'ai prendre un raccourci sur une route non goudronnée et j'arrive à Obuasi au coucher du soleil.
Par la suite, je joue de malchance et n'arrive pas à trouver d'hébergement pour la nuit. Il y a des centaines d'églises mais quasiment pas de maisons d'hôtes. Il devrait pourtant y avoir des hôtels acceptables pour les gens qui travaillent dans les mines.
Enfin, j'en trouve un correct, ainsi que des boules de riz pour changer du banku, puis je passe une bonne nuit. Les visites de surface et souterraine de la mine d'or Anglogold Ashanti, annoncées sur internet, ne sont plus possibles. J'essaierai d'aller faire un tour demain, pour voir ce qu'il est possible d'apercevoir en s'approchant au plus près.
Les vue satellite d'Obuasi montre de nombreuses digues de bassins de résidus. Je m'aventure sur les petits chemins en terre qui infestent les collines autour de la ville jusqu'à ce qu'un garde et des employés de la mine AngloGold Ashanti me barrent le chemin. D'après eux toutes la zones des collines autour d'Obuasi fait partie de la concession accordée au géant minier. Ils ajoutent que je serai le bienvenu une fois que je serai allé m’enregistrer en tant que visiteur au bureau d’accueil de la société, situé en ville.
Juste derrière une usine il y a des mineurs illégaux creusant à moitié nu dans la boue avec des pelles et qui utilisent des petits cours d'eau pour trouver de l'or.
A la réception, les gens m'ignorent, moi et ma demande. C'est décevant d'avoir fait le voyage à Obuasi afin de voir les chantier pharaoniques et de devoir repartir en ayant quasiment rien vu. Au passage, Anglogold Ashanti a été élue l'Entreprise La Plus Irresponsable De l'Année à la Public Eye Awards pour ses opérations au Ghana. Parmi les nominéssont présents Goldman Sachs, Shell, TEPCO et Alstom.
Après Obuasi, je me dirige vers Accra pour aller chercher les visas pour les pays suivant. Je prends la route la plus petite, la meilleure pour le vélo.
Il y a une chose qui m'agace ici au Ghana. Les gens, enfants comme adultes, m'appellent, plus que n'importe où ailleurs: “Obroni!“, “broni !“, “hé, hé, homme blanc !”, “Vous êtes Jésus ?“, etc … sans avoir rien de plus à dire. Je pensais que le Ghana était l'une des premières nations de l'Afrique en matière d'éducation, donc je ne m'attendais pas à autant de comportements enfantins de ce genre, ou encore à ce que des adultes me prenne pour un chinois. Ils m'interpellent juste pour le plaisir de m'interpeler. Si je m'arrête pour discuter, les gens n'ont rien d'autre à dire que “ooooh broni!“. Oui, je sais que ma peau est blanche, et alors quoi ? Puis plus rien. En Côte d'Ivoire, c'était un plaisir de discuter avec tout le monde à propos de n'importe quel sujet, mais ici les gens semblent être beaucoup plus superficiels. Ils me demandent “Vous êtes Jésus ?" ou "Vous êtes Oussama ?” devant leurs copains juste pour s'amuser. Ils se plantent devant moi et me parlent en Twi en se moquant. Il ne sont pas du tout intéressés par le fait de commencer un échange. Plusieurs fois, des enfants et des adultes à l'arrière d'un camion m'ont crié des mots comme “ching chang zu” en faisant semblant de parler chinois. Je n'ai jamais eu à faire face à autant d'ignorance envers tout ce qui est étranger (à part peut être en Guinée), et tout ça se passe dans un pays sensé être "meilleur" que ses voisins.
Je suis passé dans des villages avec des maisons toutes simples et sans routes goudronnées, mais avec une énorme sono jouant de la musique. Ça contraste énormément avec la quiétude habituelle des villages isolés. Il y a de l'électricité partout et, sur ce point, le Ghana a une grosse longueur d'avance sur ses voisins.
A la recherche d'un peu de tranquillité, je traverse un village sans m'arrêter et part me cacher un peu plus loin dans une plantation de kassava et de banane. Elle est bordée par une forêt et je ne suis pas très rassuré avec les bruits des animaux qui se joignent aux tamtam et aux chants du village voisin. Cependant je dors très bien et ce jusqu'à 8 heure, et au petit matin ma tente et toujours sèche et exempt de fourmis.
Aventure incroyable !