Mango street, Casamance

La Casamance est la région du Sénégal séparée de la partie principale du pays par la Gambie. Elle a une longue histoire avec les rebelles et le gouvernement français conseille de l'éviter, sauf si arrivez directement par avion au Club Med de Cap Skirring. En revanche beaucoup de gens qui ont vécu ou voyagé là bas m’ont dit que je ne risquerai rien tant que j'ai observe les précautions de base.

J'ai l'intention de la traverser jusqu'en Guinée-Bissau, mais en restant toujours le long de l'axe principal en direction de Ziguinchor. Les précautions de base consistent à ne pas rouler la nuit (les routes sont fermées et contrôlées par les militaires de toute façon) et à ne pas camper dans la nature.

Je trouve de l'eau de Javel à Kartong pour nettoyer mes bouteilles d'eau. Une moisissure verte est apparue au fond d'un de mes conteneurs. Au passage, je ne suis toujours pas tombé malade en buvant de l'eau du robinet, mais je peux déjà décerner des médailles pour la pire eau à Foundiougne, Touba et Ziguinchor, par ordre de dégoutanceté. Je note quand même que le plastique de bonne qualité de la bouteille d'Hépar a survécu jusqu'ici sans moisissures. Et de manière générale, les sacs plastiques sont de bien meilleur qualité si ils proviennent d'Europe.

Une autre chose qui est ramenée d'Europe, ce sont les journaux utilisés pour emballer le pain ou les sandwiches. Les magasins les achètent en grosse quantité. J'ai des bouts d'actualités en italiens et en chinois dans mes sandwiches.



Mon retour au Sénégal est très spécial. La frontière de Kartong est une demi frontière : il y a un bureau du côté gambien, mais rien sur le côté sénégalais. Je dois prendre une pirogue pour me rendre de l'autre côté.

Les formalités de sortie s'effectuent rapidement dans cette bordure très calme. Les officiers de l'armée et de l'immigration me posent la même question “quelque chose pour moi ?” en face de leurs patrons, mais sans insister. J'ai déjà changé tout mes dalasis en CFA et je donne 1000 CFA au piroguier pour m'emmener à l'autre côté en 5 minutes.

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Je me tient tranquille sur la pirogue en espérant que tout se passe bien...

Je suis débarqué sur une plage où des jeunes hommes avec motos attendent les potentiels clients. Moi j'ai mon vélo alors je m'aventure sur la piste dans une chaleur terrible, et je dois pousser dans le sable de temps en temps. La piste ne suit pas le chemin que j'ai sur mon GPS, mais je me concentre juste sur le fait d'aller vers le sud jusqu'à trouver une bonne route.

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De retour au Sénégal

Je suis accueilli par les enfants du premier village avec la phrase de bienvenue sénégalaise habituelle “donne-moi ton vélo”. Je vois des panneaux pour une pétition contre l'exploitation minière car, comme sur la côte entre Lompoul et M’boro, le gouvernement prévoit de donner toute une bande de terre à une compagnie minière, avec un grand potentiel de destruction de l'agriculture locale à la clef. Comme je n'apprécie pas du tout les pistes de sable, un commerçant me donne une astuce : si je passe de l'autre côté de la dune et atteint la plage en passant par un pont, à marée basse, je tomberai sur du sable dur et je pourrai pédaler correctement jusqu'à Abene.

J'ai déjà pu me rendre compte à Lompoul que que cela dépend vraiment de la marée et du sable, mais je suis prêt à tenter à nouveau l'expérience. Je pousse le vélo jusqu'à ce que je trouve le pont. Enfin un pont... c'est vite dit, il ne faut pas avoir peur.

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100 mètres de traversée de la mangrove là dessus … ça m'a paru beaucoup plus long que ça

Les planches en bois plient fortement sous le poids de mon vélo chargé combiné au mien. Elles se déplacent comme si elle n'étaient pas reliées entre elles. Ce n'est pas facile à négocier et je ne suis vraiment pas pressé de tomber dans la boue de la mangrove. Mais j'arrive finalement de l'autre côté, où le garde d'un mystérieux camp déserté me montre le chemin jusqu'au sable dur.

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Vitesse maximale : 10 cm/seconde

Et puis là, j'ai une très bonne surprise : le sable est dur comme une bonne piste et je peux voler le long des vagues en utilisant la même vitesse que si j'étais sur une bonne route goudronnée.

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Virée sur la plage

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Les coquillages craquent sous les pneus et le vent me pousse vers l'avant alors que les oiseaux volent autour de moi. Ces 5 kilomètres, très agréables, valaient bien les efforts et l'incertitude qui les ont précédés. Ma trace GPS me montre que j'ai chevauché les vagues sur Google Maps.

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En arrivant à Abene

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Déjeuner à Abene

J'arrive à la route goudronnée jusqu'à Diouloulou, une ville située le long de la route “normale” qui va de Banjul à Ziguinchor. Mon problème actuel est que je suis entré au Sénégal sans timbre visa, du coup ma présence dans le pays n'est pas encore légale. J'ai juste besoin d'un timbre, le visa n'étant pas nécessaire. Enfin plus pour longtemps car les ressortissants français devront en avoir un à partir du 1er juillet. C'est une revanche du gouvernement contre les procédures de visa strictes et couteuses que la France impose au citoyens du Sénégal. Quand cette mesure entrera en vigueur, il n'y aura plus aucun pays ne nécessitant aucun visa pour les français du Maroc jusqu'à la Namibie, alors que c'était presque l'opposé il y a 10 où 20 ans.

Quand je me rend au poste de police de Diouloulou pour demander ce qu'il faut faire pour avoir le timbre, l'agent me dit “Pas de problème, vous partez pour Bissau demain, alors vous pouvez simplement continuer comme ça“. C'est une réponse étrange, mais aussi une bonne nouvelle. Le poste frontière officiel est à Séléty, 12 km en arrière vers la frontière gambienne. Je suis heureux de m'épargner 24 km et je m'offre un Sprite pour fêter ça.

En buvant, je m'interroge et commence à douter : que se passe-t-il si on m'arrête à un barrage et que j'ai des ennuis, sans avoir le timbre? Après demandé des conseils, je retourne au poste de police pour demander un papier ou une preuve que je pourrai avoir sur moi. Cette fois, le grand patron est présent et il est catégorique : il faut que je retourne à Séléty pour obtenir le timbre. Au final c'est bien ce qu'il me semblait. Je me suis fait avoir en croyant l'autre officier. J'ai un peu l'impression qu'il est possible d'obtenir autant de réponses différentes que de personnes à qui je pose ma question. Dans un sens c'est logique, car la plupart des gens, en particulier dans l'administration, n'ont aucune idée de ce en quoi consiste leur travail. On peut ruser en évitant de poser des questions auxquelles on peut répondre par oui/non, mais ce n'est pas non plus infaillible.

Le voyage de retour à Séléty prendrait presque tout le temps qu'il me reste d'ici la tombée de la nuit, aussi je décide de passer la nuit à Diouloulou au lieu de m'aventurer plus loin. Je joue la sécurité en Casamance. Les villes sont protégés par les militaires avec des armes lourdes, et ils bloquent les routes à partir de 19h.

Après avoir pris une chambre dans une auberge, je suis invité par Katarina et Lammert à passer la nuit dans leur maison avec du vin. Cela me plait bien plus que l'idée de dormir à côté du bar où les militaires commencent déjà à être saoul. Nous chargeons mon vélo dans leur 4×4 pour parcourir les 5 kms jusqu'à Diouloulou.

Ils vivent sur un énorme terrain au bord de la rivière. C'est très calme car les gens du pays imaginent que le lieu abrite l'esprit d'un dragon. Le vent à l'extérieur rend la chaleur supportable et le feu tient les moustiques à l'écart.

Dans la matinée, je marche autour des eaux du delta du fleuve Casamance. C'est très similaire au delta du Saloum, avec des pirogues de pêcheurs et la mangrove.

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Je peux manger mon petit déjeuner directement sur les arbres : Casamance est mangue-terre et il ’ s aucun besoin de les acheter, mais de trouver les bonnes plutôt autour de la route.Je trouve mon petit déjeuner directement sur les arbres: la Casamance est le pays des mangues et ce n'est même pas la peine d'en acheter, il suffit de trouver celles qui sont mures directement au bord de la route.



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Le petit déjeuner

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Il y’a vraiment trop de mangues

L'un des passe-temps consiste à s'asseoir sous un arbre et discuter avec des amis en mangeant des mangues au fur et à mesure qu'elles tombent de l'arbre. C'est ce que faisait l'agent de police à Séléty. Les voyageurs devaient arrêter leur voiture sur la route, marcher jusqu'à l'arbre et montrer leur carte d'identité à l'agent de police.

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Les villages font leurs propres ralentisseurs de vitesse avec billes de bois

Je m'arrête encore une fois dans un champ de mangue pour le déjeuner. Pas besoin d'acheter de la nourriture.

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Déjeuner

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Maintenant que je sais comment dire “donne-moi de l'argent” en Wolof, je l'entends partout. Je dirais que la plupart des Sénégalais que j'ai rencontré sont incroyablement gentils, mais ils ne peuvent pas s'empêcher de mendier, c'est maladif. Presque toutes les routes en bonne état, les écoles et les châteaux d'eau sont annoncés par un panneau qui indique que tel ou tel pays occidental à financé le truc, alors peut être que cela contribue à l'image du blanc qui est là pour donner quelque chose. A ce propos, on ne m'appelle toujours Toubab en Casamance, mais plutôt quelque chose comme "doulou". Les enfants dans les différents villages se mettent à chanter la même chanson quand ils me voient. J'entends parfois “Hé le Blanc“, ce qui surprends quand on s'est habitué à être un Toubab, même si c'est la même chose.

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Un convoi militaire et des noix de cajou en train de sécher

Pour un axe majeur de la Casamance, la route est plutôt calme. Il n'y a pas beaucoup de trafic même entre Bignona et Ziguinchor. Je croque des fruits de cajou quand les mangues viennent à manquer, cela me rafraichi un peu, dans cette chaleur intense. Si je ne suis pas vélo avec la petite brise, le fait de rester debout me fait beaucoup transpirer.

Le dernier tronçon jusqu'à Ziguinchor traverse la mangrove de Tobor. La route est faite de pavés sur 10 km. Il y a plusieurs points de contrôle sur la route, mais je n'ai été arrêté qu'une seule fois, par un jeune officier qui a voulait pratiquer son anglais. Je trouve qu'en général, la région de la Casamance est plus anglophone que le reste du Sénégal.

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La mangrove de Tobor

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Orange est la marque qui est la plus présente le long des routes. Ils ont des affiches partout et beaucoup de magasins sont peints en noir et orange. Canal , BICIS (groupe BNP Paribas) et la SGBS (groupe Société Générale) suivent dans le classement de la présence publicitaire.

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Fleuve Casamance

Je profite du wifi dans ma maison d'hôtes afin de mettre en ligne et de planifier les dates de publications de mes articles car je serai bientôt en Guinée-Bissau (décrite par les sénégalais comme une nation de gens sans muscles qui boivent trop) et de la Guinée (décrite par les sénégalais une nation de gens pas trop civilisés). Je vais certainement trouver beaucoup moins d'électricité là-bas.

Alors que je travaillais sur la table à l'extérieur, une grosse mangue s'est écrasée à 5 cm de mon ordinateur portable. Cet avertissement dangereux m'a poussé dans la cuisine, où j'ai sué pendant toute la soirée. La chaleur et l'humidité juste avant la saison des pluies atteignent leur paroxysme et le mieux est de rester à l'extérieur où il y a du vent. Je m'arrête et vais au lit quand un poteau électrique s'effondrer et coupe l'électricité dans tout le quartier …

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Ziguinchor