Afin de quitter Nouakchott en évitant la circulation, où les taxis s'arrêtent n'importe où et doublent des deux côtés, je me dirige droit vers la côte en sortant de l'auberge Sahara et prends la route des ports. Cette auberge étant un lieu pour les voyageurs avec une atmosphère agréable, cela m'a changé des hôtels bon marché ,réservés aux gens du coin, auxquels je suis habitué. La route des ports contourne joliment l'ensemble de la ville, en passant par le port de pêche, puis le port de commerce. C'est une route plutôt sale et qui ne sent pas la rose mais elle évite complètement la circulation imprévisible de Nouakchott et me permet ainsi d'effectuer une sortie en douceur et de démarrer la journée de manière positive.
On ne peut pas dire que la route au sud de Nouakchott soit belle. C'est un mélange de désert, avec du sable partout, de buissons et de petits arbres. C'est vite monotone et pas aussi beau que le désert avant la capitale. Le sable et les pierres sont gris. La végétation, pauvre, se fait de plus en plus présente, tout en restant trop petite pour abriter autre chose que des insectes. Cette route est cependant beaucoup plus peuplée, avec de nombreux villages et maisons, un signe que le Sahara est peut-être en train de s'achever. Il y a toujours autant de chèvres que partout ailleurs, mais les chameaux sont progressivement remplacés par des vaches.
Il y a un point de contrôle de la gendarmerie juste avant Tiguent, une petite ville de 10 000 âmes sur la route de Rosso, la frontière sénégalaise. Je n'ai plus de fiches à donner, je me prépare à un brin de causette avec les gendarmes pendant qu'il noterons les informations de mon passeport (sur un morceau de papier qui sera sans doute bientôt perdu).
Mais le chef écoute sa petite radio posée sur le toit du Toyota Hillux de la gendarmerie. Le match Paris SG – Barcelone se joue à l'instant et, en tant que fan du Barça à 100%, il est complètement absorbé par l'action. Il me dit seulement : “Bien” par rapport au fait que je n'aie pas de fiche et il ne cherche pas à en savoir plus.
Cela me rappelle la fois où on m'a demandé une fiche au point de contrôle de la douane avant Nouakchott (il existe 4 types de points de contrôle sur la route : gendarmerie, police, douanes et sécurité routière). On me l'a rendue quand j'ai dit que c'était ma dernière, en précisant qu'il valait mieux la garder pour les gendarmes. Ceci, ajouté aux fois où l'agent à copié mon passeport avec des erreurs, achève de discréditer l'argument selon lequel “c'est pour votre sécurité” si souvent avancé pour justifier les nombreux contrôles routier. Enfin, quoiqu'on en pense le gouvernement fait de réels efforts assurer la sécurité des quelques touristes de la région.
En fin de compte, j'aurai pédalé 120 km en cette journée débutée à midi, ce qui s'explique par un vent favorable et une route plate, facile à suivre et pauvre en distractions. Ce genre de journée très “efficace” est amené à disparaitre avec l'arrivée de routes moins évidentes et plus intéressantes après la Mauritanie.
Après Tiguent, il y a encore plus de villages le long de la route, genre tous les 5 km et de minuscules montées et descentes font leur apparition.
Dans certains villages, les enfants me font juste des signes de la main. Dans d'autres, ils courent et crient (pour avoir des cadeaux). Certains, des tout petits, m'ont même jeté des pierres et d'autres choses, comme si c'était un jeu.
Il fait encore chaud dans cet environnement, un mélange de désert et de savane. Parfois le sable est gris, parfois jaune. Les bornes kilométrique sont maintenant disposées tout les kilomètres, mais la qualité de la route a sérieusement baissé depuis Nouakchott. Le bas coté est défoncé et le trafic, moi y compris, est beaucoup ralenti par les nids-de-poule et de fissures en tout genre.
Il y a beaucoup de taxis, surement en train de faire la liaison entre la capitale et le poste frontière de Rosso. Ce sont tous des Renault 19 très chargées, avec l'essieu arrière touchant presque le sol. Ils transportent 7 personnes (3 à l'avant, 4 à l'arrière), et leur toit est chargé au maximum de ce qu'il peut supporter.
Les nombreux villages me permettent de faire plusieurs “ sauts de coca-cola ” à rafraîchir de la chaleur. Dans un magasin, je vois un gamin apprendre le Coran d'une plaque en bois. C'est proche où je laisse la route principale pour la piste à Diama.
Il y a 2 façons de quitter la Mauritanie : l'une à Rosso, la frontière principale avec le Sénégal où il faut effectuer une traversée en ferry, connue pour ses fonctionnaires et ses rabatteurs qui vous harcèlent (ce qui est probablement aggravé par le fait que les étrangers sont prêts à donner de l'argent à n'importe qui), et l'autre à Diama, où se trouve une digue avec un pont, à l'embouchure du fleuve Sénégal. J'ai choisi la deuxième, tant pour éviter les tracas (quoique on m'aie certifié qu'il est possible de traverser sans encombre si on est préparé et qu'on ne fait pas d'erreurs) que pour la route. Celle-ci est en fait une piste qui traverse le Parc National de Diawling.
La route de Diama est toute neuve, agréable, large et s'étend sur… 2 kilomètres. Ensuite je dois dépasser les engins de construction pour continuer. Ils disent que ce sera prêt dans 4 ou 5 mois, mais pour l'instant, je me retrouve avec une piste (l'original) et une route (bonne pour les camions, mauvaise pour les vélos), qui se suivent en parallèle. Après avoir essayé les deux, je trouves que la vieille piste est la plus lisse, même si elle a de nombreux bancs de sable. J'ai parfois l'impression d'être sur une plaque de glace noire avec une force de friction élevée, comme si la roue arrière patinait pour s'arrêter ensuite brutalement.
L'atmosphère est très poussiéreuse et le ciel bleu, sans nuages comme d'habitude, a une touche de jaune.
Quand je demande pour avoir de l'eau du robinet dans un village, comme je le fais depuis le début, on me donne de l'eau qui à un drôle de goût, avec des particules en suspension. Il est temps d'utiliser mon Micropur Forte, un désinfectant liquide avec lequel 5 gouttes suffisent pour purifier une bouteille de 1,5 L. C'est déjà une bonne performance d'avoir tenu uniquement avec de l'eau du robinet jusqu'au Sénégal (et plus encore j’espère) sans tomber malade.
Au détour de la route je tombe sur des vaches qui se baignent dans un étang avec beaucoup de verdure. Cette vision contraste tellement avec ce que j'ai pu voir depuis un mois que c'en est presque choquant pour moi qui me suit tant habitué au désert.
Après le village de Keur Macene, j'entre dans le parc national de Diawling. On m'a dit plusieurs fois qu'il y avait des phacochères “en pagaille” par là, et on ne m'a pas menti. J'en aperçois un avec de grandes cornes qui passe en courant devant moi.
La piste suit désormais le fleuve Sénégal, qui marque la frontière avec la Mauritanie, et encore plus loin avec le Mali. Je ne le longe pas pendant très longtemps aujourd'hui car il fait presque nuit et je campe au barrage de la gendarmerie. Comme le gendarme ne se montre pas (mon vélo ne fait pas de bruit de moteur), je dois partir à sa recherche. Je demande aux deux pêcheurs qui se trouvent là. Ils me saluent en me demandant ma chemise et mon (unique) pantalon, ce qui est un peu surprenant venant de deux adultes. Plus tard, je dîne avec eux (du poisson et du riz, inévitables à partir de maintenant et pour le reste de l'Afrique) et ils m'autorisent à dormir dans une de leur cabane déserte. Le pêcheur qui m'a demandé mes vêtements est sénégalais et a 2 femmes et 2 maisons.
Le vent est toujours terrible pendant la nuit et je suis heureux d'avoir un toit sur la tête pour pouvoir dormir tranquillement. Les constellations du ciel sont toutes là et certaines se montrent plus compréhensibles quand on les voit à l'envers. La Grande Casserole avec toutes ses étoiles, par exemple, ressemble vraiment à un Grand Ours.
Prise dans le vent fort de la matinée, la piste se pare d'un nuage de poussière, et je ne vois pas à plus de 30 ou 50 mètres. Je ne sais donc pas où les animaux sauvages se cachent.
Jusqu'à présent il était possible de voir des chameaux, des vaches, des ânes, des phacochères et des oiseaux en même temps. Mais un panneau annonce la présence de crocodiles et de serpents. Tous inoffensifs, d'après le garde, dans un parc où les recommandations sont inexistantes par rapport à la “Restez dans votre voiture en toutes circonstances et ne baissez jamais votre votre vitre de plus d'un tiers de sa hauteur” des réserves sud-africaines, par exemple.
Voyant que les phacochères se carapatent vite fait dès que j'approche, je me dis qu'il n'y a pas grand chose à craindre et que les seuls animaux qui représentent un danger sont peut être les officiers de la frontière.
Finalement je passe la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal de façon étonnamment simple et tranquille. Les dates d'expiration apparemment dépassées de mon visa mauritanien ne provoquent aucunes questions ou tentative de soudoiement de la part de l'agent de police. Il échange juste quelques mots avec son collègue avant de me remettre mon passeport. Pour tout les voyageurs dans mon cas, sachez que les dates figurant sur le visa indiquent la période durant laquelle vous pouvez entrer en Mauritanie. Ensuite le visa dure 30 jours à partir de la date d'entrée sur le territoire.
La frontière sénégalaise est encore plus tranquille. J'apprends que ce 4 avril est le 53e anniversaire de l'indépendance, et pour un jour férié, il n'y a pas de circulation. Seulement un homme qui vend des souvenirs pour les touristes. Les taux de change des deux côtés de la frontière, bien que tout le monde mente en affirmant le contraires, sont bien pires que ceux des bureaux de change près de la Poste à Saint-Louis. Après une blague avec l'agent de police et une démonstration de mon équipement à la douane, ils me laissent tous les deux passer sans rien me demander.
Le passage de la frontière sans encombre associé à la route flambant neuve démarrant au pont de Diama me mette de très bonne humeur. Les 32 derniers kilomètres jusqu'à Saint-Louis passent vite. Les panneaux d'indications sont de bonne qualité, ils ressemblent à ceux que l'on trouve en France.
Au camping de Saint-Louis, je trouve Jose Luis qui a roulé vraiment très vite depuis Rabat et nous partons faire un tour dans la ville. Après 3 mois au Maroc et en Mauritanie, je découvre un nouveau type de magasin : il a des lumières, de la musique, ça s'appelle un “ bar ” et on y vend de la bière et d'autres alcools. La population du Sénégal population est musulmane à 94 %, mais il semble n'y avoir aucune restriction.
Je résumerais le choc de la frontière à 2 facteurs : l'atmosphère qui semble beaucoup plus convivial, avec un mélange de couleurs, de musique et de sourires dans les rues. Non pas que les gens des pays précédents étaient hostiles, pas du tout, mais il y a un sentiment de joie de vivre ici. Deuxièmement, ici non seulement les enfants mais aussi les adultes mendient. D'une façon différente. Tant de fois j'ai entendu “Donne-moi ton vélo" ou "Donne-moi ton pantalon” prononcé aussi naturellement que s'il s’agissait de salutations, par des personnes me regardant sérieusement. C'est tellement déconcertant et inattendu que je ne sais pas encore comment y répondre.
Juste un court message pour vous donner du courage (on l'espère).
C'est formidable de lire votre blog et toutes les histoires que vous habitez le long de la route. Je suis content que vous avez parcouru jusqu'à présent déjà !
Profitez du Sénégal 🙂
Quentin
Dankre !