Après avoir dit au revoir aux gens de la compagnie de riz Thiagar qui m'ont aidé, je fini les 4 derniers kilomètres de piste pour retrouver l'asphalte à Rosso Sénégal. C'est la ville qui se trouve en face de Rosso Mauritanie, et celle où les principaux échanges entre les deux pays ont lieu car les camions sont interdits de passage à Diama.
Je trouve un commerçant vendant des cartes SIM Expresso, donc la pénurie doit être limitée à Saint-Louis. Mais puisqu'il y a un magasin officiel Expresso à Richard Toll, 10 kilomètres plus loin, je vais patienter jusque là pour en avoir une avec les paramètres et les instructions, ce qui me permettra de gagner du temps. Pour le moment, et puisque je suis à proximité du poste de frontière, je vais jeter un coup d’œil pour voir si c'est autant le bazar qu'on le dit.
Mais, à ma grande surprise, il n'y a pas trop de problèmes. Un bateau arrive de Mauritanie et les gens attendent avec des cartes SIM et de l'argent pour faire du change. Un peu plus loin, d'autres petits bateaux font la navette avec des fruits. Je poursuis ma route jusqu'à Richard Toll, une ville de 50 000 habitants située près de Rosso. Sur la route je vois les scènes de vie habituelles: des travailleurs dans les rizière, des gens qui épandent de l'engrais, des familles qui habitent dans des cabanes en bois, des dames à moitié nues qui se baignent dans les canaux d'irrigation, un bébé varan, des vendeurs de trucs, … jusqu'à ce que je tombe sur une énorme usine.
Les compagnie sucrière sénégalaise(appartenant à un milliardaire français (résident en Suisse)) est une des plus grandes entreprises du Sénégal. Toute la zone autour de Richard Toll est consiste en un immense tas de cannes à sucre séchées.
Je casse un autre rayon dans la ville, le change rapidement, me rende compte que la boutique Expresso n'existe plus, prend un déjeuner rapide à base de thieboudienne (poisson et riz, le plat phare du Sénégal) et repars pour plus de piste. On me dit que c'est une mauvaise piste, mais je fais un essai pour voir ce qu'on appelle une “mauvaise piste” par ici.
La piste est bonne jusqu'à Minella, bien que je doive souvent rouler sur le côté pour éviter l'effet tôle ondulée qui est un vrai cauchemar. Mais après Minella, comme annoncé, la qualité diminue drastiquement. Il y a des zones sableuses. Heureusement, je n'ai jamais à pousser plus de 20 mètres à la fois. Il n'y a aucunes voitures qui emprunte cette voie, le principal moyen de transport est le chariot tiré par un âne.
Je m'arrête à un village quand le soleil est sur le point de se coucher. On m'a dit de toujours demander l'autorisation au chef du village avant de camper, alors je demande où il habite et on m'y emmène. Son fils, Pape, parle français, et après un dîner à base de couscous sénégalais on me donne la place centrale pour installer ma tente. Tous les villageois travaillent dans les champs, pour la culture de l'arachide, des aubergines, des oignons, mais pas du riz car le sol ne s'y prête pas. Certains enfants peuvent à peine marcher mais ils dansent déjà. Les familles sont énormes et les gens pensent que je fais une blague si je leur demande combien de frères ils ont.
La nuit est bruyante avec les chèvres et les poules qui déambulent là où la gens dorment. Et courte, avec les dames qui balayent le sable dès 6h du matin.
Le lendemain je poursuis ma route sur la piste de sable. Il fait très chaud, plus chaud que dans le désert j'ai l'impression. Les gens qui mendient le font à l'ombre des arbres, tandis que d'autres me disent de prendre un repos quand le soleil est trop fort. Mais si je voulais éviter le soleil et les températures indécentes, je devrais me terrer de 12h à 18h.
Un homme a un problème avec l'axe de sa charrette. Il a perdu toutes les billes du roulement à billes sur une roue et tente de le réparer avec des petits cailloux. Mais cela ne tient que 10 mètres avant la roue tombe à nouveau. Nous le « réparons » avec des morceaux de cordes pour bloquer la roue à l'intérieur et ça marche un peu plus longtemps, mais en fin de compte il doit soutenir la charrette d'un côté jusqu'à son village. Cela me donne l'occasion de faire une pause et de remplir mes bouteilles.
Au début je purifiais l'eau avec du Micropur, mais je commence à boire de l'eau directement, qu'elle provienne d'un robinet ou d'un seau. Certains disent que c'est de la bonne eau, d'autres ne disent rien, mais avec les quantités que je bois j'ai la flemme de la purifier systématiquement.
L'asphalte réapparaît à Keur Momar Sarr et je m'arrête dans chaque village pour acheter une boisson fraîche, remplir mes bouteilles et me reposer un peu à l'ombre.
Après avoir dépassé Niomré, il est temps de me mettre à la recherche d'un lieu pour camper. Il y a des animaux et des maisons un peu partout, donc au lieu de pousser mon vélo dans le sable sur des centaines de mètres pour au final me retrouver sur la propriété de quelqu'un, je demande une nouvelle fois au chef d'un village.
Je peux rester là, au milieu des maisons de la famille du chef et de ses 4 épouses. Il a travaillé en France pendant près de 20 ans. Tout le monde dans le village, qui compte environ 150 personnes, porte le même nom, car il s'agit tout simplement de la même famille. Bien qu'il soit proche de Louga, la capitale de la région, ce village n'a ni électricité ni eau. C'est un avantage pour Nokia dont les vieux téléphones qui tiennent une ou deux semaines sur la même batterie sont toujours populaires. L'électrification de plus de 400 villages de la région par une société marocaine est en cours.
Je vois ici, dans les toilettes, les plus grands cafards que j'aie jamais vu et d'autres, plus petits (mais dans le pot qui contenait l'eau que j'ai bu), ainsi que, dans le ciel cette fois, Polaris et la Croix du Sud en même temps.
J'ai compté que j'ai bu plus de 10 litres de liquides aujourd'hui. Sur ces 10 litres, j'en ai vu très peu sortir de mon corps. La chaleur est terrible, et pédaler sur mon vélo n'est rien comparé à ceux qui travailleront dans les champs dans quelques mois pendant le Ramadan.
Le lendemain, je traverse Louga. Je rencontre une personne de Dôle, ce qui fait de la Franche-Comté une région très internationale après que le médecin dans le Djoudj m'a parlé de son ami de... Pontarlier. Je laisse mon vélo pendant un certain temps pour marcher et faire du shopping dans la ville, relativement grosse.
Louga est sur l'axe principal de Dakar, mais je prends une route qui s'en éloigne et me dirige à nouveau vers l'intérieur et sa chaleur, vers Linguere.
Je m'arrête à la station d'essence après seulement 20 km pour une boisson fraîche. Les personnes qui y travaillent sont en train de manger et m'invitent à les rejoindre. Quand les gens parlent de la Teranga, l'hospitalité sénégalaise, je ne peux trouver de meilleur exemple que la nourriture. Il semble que tout le monde partage son repas. Chaque jour à l'heure du déjeuner (vers 14h), les gens qui mangent au bord de la route m'invitent systématiquement quand ils me voient passer en vélo. Les aliments sont cuits en grande quantité, souvent dans une grande casserole métallique qui peut nourrir 5 à 10 personnes. Il y a toujours du riz et très souvent du poisson (thieboudienne). Cela ne change pas grand chose si il y a une bouche en plus ou en moins autour du riz, mais à chaque fois je suis surpris d'être invité par des gens qui viens juste de me voir arriver.
Nous en profitons pour parler longuement et je me renseigner sur Touba, un important lieu religieux que je peux atteindre demain, et je l'ajoute à mon itinéraire flexible et vide.
Pour avoir un peu de temps à moi, ce qui est plutôt difficile à obtenir, je décide de camper tout seul au lieu de demander dans un village où je se serais sans aucun doute très bien accueilli et bien traité. J'annonce simplement ma présence aux voisins étant donné que leurs vaches et leurs chèvres paissent. Le vent qui souffle sur mon cou est tellement chaud que j'ai d'abord cru que c'était le soleil qui me réchauffait. Il faut chaud jusqu'au milieu de la nuit. Après cela je peux fermer la tente et me couvrir.
Je avec les chants des villageois qui sortent les animaux. Certains viennent me voir plier ma tente et posent quelques questions. Je trouve que les gens sont beaucoup plus agréables dans les villages, car peu habitués aux gens blancs, que dans les villes. Ce qui n'empêche pas qu'on me demande de prendre l'un des bébés avec moi comme si j'étais sur le point de m'envoler pour la France.
J'ai terminé mon eau et ma nourriture qui ne nécessite pas de cuisson, donc je dois pédaler un peu pour me ravitailler.
La prochaine ville décente est Darou Mousti. Je trouver enfin une carte SIM Expresso ! Si l'on excepte un revendeur à Rosso, personne n'en a dans tout le nord du Sénégal. Bien sûr, celle-ci vient aussi du marché noir et elle est plus cher qu'elle ne devrait l'être mais, vu la situation, c'est déjà un petit miracle d'en trouver une. Bien sûr la configuration automatique ne marche pas et je passe une heure à essayer les différents points d'accès jusqu'à ce que j'arrive à deviner le bon.
Je me ensuite vers Touba, la ville sainte fondée par le Cheikh Amadou Bamba. Les gendarmes m'arrêtent sur la route pour discuter et pour me rappeler que Touba est une zone non fumeur et sans alcool.
Touba est une ville qui avait seulement 5000 habitants en 1964 et plus de 500 000 en 2007. Aujourd'hui, les gens disent que c'est plus grand que Dakar, avec 2 ou 3 millions d'habitants, mais ça ressemble encore à un gros village. Le fondateur, Serigne Touba, est enterré dans la mosquée, une des plus grande d'Afrique, facilement identifiable par le minaret central de 87 m de haut, appelé Lamp Fall. Il a fondé le Mouridisme , une fraternité de l'Islam qui ne peut être ignorée lors d'un voyage au Sénégal, compte tenu de que l'énorme influence qu'elle possède. Bien que persécuté et exilé par les français durant la période coloniale, Serigne Touba a survécu et des dessins de lui, basés sur la seule photo disponible, sont visibles partout.
L'eau du robinet à Louga est censée être salée. Le commerçant qui m'invite pour le déjeuner me dit même que les gens achètent de l'eau en bouteille quand ils le peuvent. Personnellement je trouve qu'elle a très bon goût, surtout après avoir bu toute cette eau dans des seaux et des robinets le long de la route. Je ne suis toujours pas tombé malade, l'hamdulillah, peut-être que j'ai plein de petits vers vivant à l'intérieur de moi.
Je quitte Touba en fin d'après-midi. Le fait d'être coincé avec mon vélo entre deux charrettes me donne envie de quitter rapidement le bazar qui règne en centre ville ainsi que les marchés omniprésents. Je me dirige vers Thiès, sur la route de Dakar, pour tenter de troquer quelques degrés contre des moustiques en me rapprochant de la côte.
Il fait presque nuit quand je m'arrête près d'un village pour planter ma tente. Mais le chef me dit que je dois demander la permission à quelqu'un d'autre, dans le village voisin. Voilà comment, accompagné d'une délégation, je me retrouve dans le bureau communal de Dalla Ngabou où je suis autorisé à rester. Selon un panneau accroché sur la façade, le bâtiment a été construit par la coopération belge. Je doute qu'ils seraient heureux d'apprendre que ce n'est pas très bien entretenu. La toilette/douche est envahie par de très grosses fourmis, donc je suis très prudent pendant la douche, mais ça fait tellement de bien d'être propre et frais.
Quand je cherche une boutique dans le village pendant la nuit, mes deux hôtes me disent d'aller tout droit. Donc, je marche jusqu'au lampadaire publique (le village en possède deux), là où se trouve un groupe d'une vingtaine d'enfant en train de jouer. Mais quand je sors de l'obscurité, un des enfants pointe vers moi en criant "Toubab!“, avec la même expression faciale que Scooby Doo quand il voit un fantôme. Puis il court jusqu'à l'arrière coure d'une maison suivi par la moitié des enfants. C'est un accueil beaucoup plus drôle que l'habituelle “Toubab ! Cadeau !” (“Blanc ! Cadeau !“). Au final ils ont eu peur pendant quelques secondes, mais quand j'ai dit que je cherchais la boutique ils se sont tous mis à me suivre dans les allées sombres du village en me posant des questions et en essayant de parler un peu en anglais. Je trouve que c'est un comportement beaucoup plus naturel pour des enfants, comparé à ceux qui mendient, mais des enfants comme ceux-ci sont assez rares.
De retour au bâtiment communal, les bureaux sont comme des saunas, même la nuit. Du coup nous nous retrouvons, le chef, le garde et moi-même, à mettre les matelas dehors pour dormir sans transpirer.
Laisser une réponse