Après une matinée passée à huiler et à laver mon vélo, m'évitant ainsi la tâche consistant à transporter la boue et les cailloux accumulés au cours des 500 derniers km, je suis prêt à débuter ma courte journée jusqu'à Guelmin, une ville située aux portes du désert. J'ai déjà acheté assez de pâtes et de nourriture pour survivre pendant plusieurs jours et il me manque juste de l'eau.
La route de Sidi Ifni à Guelmim se déroule sans histoires, il n'y a qu'un petit village entre les deux et une colline montant jusqu'à 600 m.
Toutefois, avant d'arriver à Guelmin, il y a un petit endroit appelé Abaynou, à 10 km de la route principale, et qui dispose d'une piscine thermale. Je décide d'y passer la nuit. Je cherche à obtenir une chambre, étant donné que les prévisions météo m'annoncent un réveil sous la pluie plus que probable, et je suis rapidement re-dirigé de l'hôtel à 300 dh à la chambre d'amis du café de Mohammed, à 60 dh. Il y a toujours une double norme pour l'hébergement, l'un relativement cher pour les touristes et les camping-cars, et l'autre pour les petits hôtels (où une chambre coûte pas plus cher qu'une place pour le terrain de camping dans les lieux qui accueillent les touristes étrangers). Une conversation avec les gens du pays me conforte dans mon choix car ils attendent des tornades de vent jusqu'à 100 km/h ainsi que la première pluie de l'année. Je peux donc barboter joyeusement dans la piscine vide, avec l'espoir que cela contribue à rétablir un peu mes jambes. Celles ci ne sont pas très fraiches, malgré deux jours de repos et une cure de fruits de mer à Sidi Ifni.
Je me réveille avec le vent fort et le pluie à l'extérieur. Je suis heureux de ne pas avoir choisi de camper, mais contrarié de ne pas pouvoir prendre la route. Le vent vient du Sud et souffle assez fort pour rendre pénible le simple fait de marcher. Je peux donc oublier le vélo, qui me ferait épuiser toute mon énergie en quelques kilomètres. Cela fait un jour de repos supplémentaire pour mes jambes, mais la mauvaise nouvelle est que la pluie (et le vent du Sud, le plus grand facteur de démotivation) va se poursuivre pendant 1 ou 2 jours de plus.
Le lendemain matin, à Abaynou, la journée commence comme prévu : il pleut et il vente. Il a plu pendant la nuit, à l'extérieur et, grâce au toit poreux, un peu à l'intérieur aussi. Je dois parcourir 100 km par jour pour être dans les temps par rapport à mon visa, donc je n'ai pas d'autre choix que de prendre la route.
Les 15 km jusqu'à Guelmim se passent bien. Le vent est fort et de face, alors je me contente d'une vitesse de déplacement à peine supérieur à 10km/h. C'est désespérément lent mais c'est plus que ce que j'aurais pu faire avec le vent d'hier. C'est moitié moins que ce que je fais par jour sans vent et trois fois moins que si j'avais le vent dans le dos, mais on ne peut pas se battre contre les Actes de Dieu.
Guelmim est "la porte du Sahara" car c'est là que débute la seule route menant à l'extrémité sud du Maroc (en traversant le Sahara occidental). C'est également à partir de là que les distances entre les villes deviennent énormes. En fait il y a une autre route, à l'intérieur des terres, mais elle passe parfois sur le sol algérien et de toute façon elle est minée, et probablement réservée à l'armée marocaine.
À Guelmim beaucoup de gens se rassemblent autour de l'oued centrale, probablement asséché la plupart du temps, mais qui aujourd'hui se trouve être une rivière rouge avec un fort débit.
À la dernière station essence, à côté d'un futur “portail” en béton enjambant la route, j'emporte un peu plus de 3 litres d'eau, du pain pour la journée, et puis il est temps de débrancher le cerveau et d'aller dans le vent. Jusqu'à présent, j'ai tenu le coup avec mes 1,5 litre d'eau accrochés sur le cadre du vélo. Je faisais le plein à chaque village et je n'ai pratiquement jamais eu besoin de ma réserve de 1L, rangée dans une sacoche. J'ai bu l'eau de n'importe quel robinet ou de n'importe quel seau dans n'importe quelle ville, grande ou petite, et je n'ai jamais été malade. L'eau du robinet n'a jamais été jaune ou sale. Si j'avais suivi les “recommandations officielles pour les touristes” qui incitent à boire uniquement de l'eau embouteillée au Maroc, j'aurais augmenté mon budget alimentaire de 50 % pour rien.
La prochaine ville s'appelle Tan-Tan, située à 120 km. Impossible à atteindre aujourd'hui mais j'irai aussi loin que possible. L'eau a envahi la plupart des champs bordant la route. Il y a beaucoup de champs verdoyants, ce qui est inattendu pour moi, et cela rend l'ensemble beaucoup moins désertique que la route à 1500m dans l'Atlas. Il y a aussi beaucoup de plantations d'Opuntia.
Quoique je fasse j'ai le vent du sud contre moi et je ne peux qu'espérer qu'il change de direction car ma route est orientée plein sud-sud ouest. Quand il y a un peu de sable dans les champs de pierre, je peux le voir survoler la route et en moins de temps qu'il ne le faut pour dire ouf, j'en ai plein les dents (et dans les cheveux, les oreilles et le vélo...). Il tombe quelques gouttes de temps en temps. Il y a pas mal de circulation sur la route et je dois rester vigilant car la moitié des véhicules sont des camions. A cause du vent, je ne les entends pas venir de l'arrière, alors je dois toujours garder un œil sur le rétro. En général ils me doublent correctement, mais quand ils croisent un autre véhicule il n'y a pas assez de place pour nous trois sur la route à deux voies. Alors je devient le désigné volontaire par la loi de la jungle routière pour sauter dans le bas côté.
Jusqu'ici on dirait bien que j'ai droit aux pires conditions possibles pour pédaler. Je peux me consoler en me disant que j'ai la chance de faire du vélo dans le Sahara. Ça aide au niveau mental, mais cela n'empêche pas mon dos de me faire souffrir. Et mes jambes, pourtant reposées, ne vont pas tenir très longtemps non plus.
Cependant j'ai l'occasion de discuter dans un café routier au kilomètre 20 après Guelmim, là où personne ne s'arrête. Puis brièvement avec des nomades en compagnie de leurs chèvres. Apparemment il y a un village entre Guelmim et Tan-Tan à 25km d'ici, ou à 35km, si j'en crois ce qu'on me dit 10km plus loin. Les indications kilométriques données par des gens qui savent tout juste dire bonjour en français sont aussi fiables que les prévisions météo.
Après seulement 70km de souffrance, j'atteins un autre café routier où je m'arrête pour la nuit. Comme il n'y a que 4 personnes vivant dans ces deux bâtiments, ils ne sont pas reliés à la ligne à haute tension située de l'autre côté de la route. J'ai l'occasion de pratiquer mon Espagnol à nouveau, et je suppose que ce n'est pas la dernière fois. Premièrement car le Sahara occidental était sous contrôle espagnol jusqu'en 1975, ensuite parce que les Iles Canaries, située à moins d'une heure de vol, embauchaient beaucoup de main de œuvre marocaine jusqu'à ces dernières années. De nos jours, les prix élevés de la nourriture et du logement rendent l'opération moins intéressante que de rester au Maroc, alors même ceux qui ont les papiers pour ne vont plus travailler là bas. Je trouve tout de même deux personnes qui ont tenté la traversée vers les Canaries (à Lanzarote où Fuerteventura) dans un canot surpeuplé. La punition pour l'organisation d'un voyage d'immigration clandestine s'élève à 6.5 années de prison.
Le vent de la côte souffle encore fort dans la soirée et il va amener des nuages et de la pluie pendant la nuit, donc je suis content de ne pas devoir camper. La bonnes nouvelle c'est que je peux faire cuire mes spaghetti dans une vraie casserole au lieu de ma petite casserole portable, du coup je n'ai pas besoin de les couper en trois pour tout faire rentrer. Et j'ai accès à Internet car je capte toujours le réseau 2G de Maroc Telecom... avec un ping moyen de 4500ms (ça peut être bien pire parfois), tout juste suffisant pour recevoir des emails.
Le lendemain s'annonce un peu mieux côté vent. Jusqu'au village de Rass Oumlil, j'utilise les rapports 5 à 7 (sur 14) au lieu de 4 à 6 pour hier. Ce sont quand même des rapports normalement réservé à la montagne... car le vent souffle toujours fort et de face.
La route dégage parfois une odeur de cimetière de chiens mouillés. Comme si ils étaient cachés sous des pierres. Mais comme je ne vois rien, je pense que je ne percerai jamais ce mystère. Il y parfois des animaux morts le long de la route mais il ne puent pas autant.
A Rass Oumlil, il y a 4 ou 5 restaurants ainsi que des magasins. C'est donc un bon endroit pour faire une pause entre Guelmim et Tan-Tan. L'air est humide et la pluie de la nuit a contribué à rendre le sable plus lourd ce qui fait qu'il ne vole plus autant.
Non loin de ces ossement, je rencontre Franklin, mon hôte à Ifrane, 1500km auparavant. Il se rend à Laayoune et puisqu'il n'y a désormais plus qu'une seule route pour aller au sud, il ne pouvait pas me manquer.
Les Oued Draa, le plus long fleuve du Maroc avec ses 1100 km, est de retour. Je l'avais suivi près de Agdz et c'est ici, dans le désert, qu'il termine sa course.
J'arrive à Tan-Tan après 60 kilomètres de rien. Bien qu'ayant beaucoup plus à ma disposition, j'ai essayé de survivre durant ces 60 km avec seulement 1,5 L d'eau depuis Rass Oumlil. J'ai réussi à le faire mais la bouteille de Sprite d'1L achetée à Tan-Tan a duré seulement 2 minutes. Les gens de Tan-Tan sont plutôt Blancs alors que je m'attendais à voir des peaux plus foncées dans le désert.
Pour la première fois,je dois m'arrêter au poste de contrôle de police/gendarmerie à l'entrée de la ville. Habituellement, ils me laisse passer sans questions. Ils se bornent à arrêter des marocains pour leur demander quelques dirhams, qui viennent s'ajouter à leur salaire relativement confortable. Mais cette fois-ci le rapport Marocains/Étrangers est inversé: ils me demandent mon passeport afin d’enregistrer mes coordonnées, pour des raisons de sécurité. Je m'attendais à ce que ça arrive dans le Sahara occidental, mais pas à Tan-Tan, qui est située à 250km de la frontière contestée.
Il est 18h quand je décide de pousser un peu plus loin pour atteindre mon objectif de 100 km/jour. J'ai 25 km à faire jusqu'à El Ouatia, surnommée Tan-tan plage, située sur la côte. Il se fait nuit et je suis très fatigué mais la pression mentale pour arriver à cet endroit avant la nuit m'aide à maintenir une moyenne entre 20 et 30 km/h, ce qui est une bonne vitesse sur un vélo chargé et le vent qui n'aide pas. Il ne souffle plus complètement de face dans l'après-midi mais il a déjà épuisé mes jambes depuis longtemps de toute façon.
J'arrive à El Ouatia après avoir parcouru les tout derniers kilomètres de nuit, ce qui est très inconfortable. Je me dirige directement vers la fin de la route, ce qui m'amène au port et me donnera un supplément de 2 km quand il faudra repartir. El Ouatia est un endroit prisés des touristes en camping-cars mais je trouve un hôtel bon marché où le réceptionniste se présente fièrement comme Sahraoui, et je peux enfin me reposer.
La ville dEl Ouatia dégage une étrange aura, illuminée en partie avec des ampoules jaune à basse énergie. Alors que je dine, je remarque que l'appel du soir de la mosquée attire beaucoup plus de gens qu'à la normal, alors que c'est une soirée sacrée de Champion's League. C'est peut être du au fait que c'est le PSG qui joue et non pas Barcelona...
A la Pisserie, je trouve une tablette de chocolat Milka Oreo chocolat, un miracle qui m'épargne l'infâme chocolat Maruja. Je suis très fatigué mais je dois encore combattre le vent demain.
Il y a en fait 3 route plomb vers la Mauritanie
– N1 passez Laayoune et EDDAKHLA à GERGARAT
– N3 passer EDDAKHLA, AOUSSERD, Laayoune, AGWANIT à la frontière de mauritaniens (rantes de choum)
– N5 passez Laayoune, GUELTAT ZEMOUR, MIJEK à la noth de ZOUIRAT en Mauritanie
Il y a aussi le col N14 Laayoune, ESSMARA, AHL MAHBAS à TINDOUF, dans le sud-ouest de l'Algérie
MAIS toute cette route ne peut pas thake vous hors Maroc en raison du conflit sarahara ouest