L'ascension de l'Atlas en passant par la Todra

Je suis de retour au pied des montagnes, du côté sud du Haut Atlas, à Tinghir. Une semaine auparavant, j'étais juste de l'autre côté. Pendant un temps j'ai envisagé l'idée d'une traversée de Boumia jusqu'à Tinghir ou Dadès en passant par Imilchil, au cœur de l'Atlas. Imilchil, un village berbère de 2000 âmes situé au-dessus de 2000 mètres, est connu pour ses mariages collectifs qui ont lieu à la fin de l'été. Puis j'ai fais le Moyen Atlas, avec de la neige à 2000m, de la boue, et une route défoncée. Du coup je suis devenu pessimiste quant à cet idée, je ne souhaite pas revivre la même expérience.

La route passant par Imilchil m’aurait emmenée quasiment à 3000m, sans asphalte. C'était un trop grand risque à prendre sans connaitre les conditions de route: je ne voulais pas me lancer pendant 2 ou 3 jours sur des mauvais chemins et devoir faire demi tour. Tous ceux à qui j'ai demandé avais leur propre opinion sur la route et sur l'éventuelle présence de neige, mais aucun n'était fiable. C'est pour cela que j'ai traversé le Haut Atlas un peu plus à l'est, en passant par Rich et les Gorges du Ziz, où la route est asphaltée et moins élevée (elle reste sous la barre des 2000m). Cela m'a également permit de pousser un peu plus au sud jusqu'aux dunes de sable de Merzouga. Ceci étant, il y a deux endroits très pittoresques situés à la fin de la route "d'altitude" (celle que je n'ai pas empruntée) , les gorges de la Todra et celles du Dadès, deux rivières prenant leur source dans l'Atlas. J'ai décidé de revenir à cet endroit pour les visiter, en montant aussi haut que je le pourrai. En fait ces deux gorges sont connectées entre elles, dans la montagne. Il y a une piste qui me permettra d'aller de Tamtattouchte à Msemrir, à 2800m. Je suis définitivement convaincu de la faisabilité de l'entreprise quand je croise un 4x4 dont le conducteur m'annonce le bon état de la piste. Au pire, si je dois faire demi tour, cela me coûtera seulement une journée et je serai toujours du bon côté (le côté sud) du Haut Atlas. En plus, comme je serai toujours sur la face sud, j'ai moins de chance de rencontrer de la neige que si j'avais effectué l'ascension par le nord.

Me voici donc de bon matin en train de faire le marché de Tinghir avec le plan suivant en tête: je vais quitter la ville en partant vers le nord pour suivre la gorge du Todra, traverser vers l'ouest en suivant une piste d'altitude à 2800m, puis je sortirai de la montagne en empruntant les gorges du Dadès. Comme je suis dans la plus grande ville des environs j'ai un très grand choix d'aliments, trop grand même. Par conséquent je suis un peu perdu et je fini par acheter principalement des fruits que j'aurai tôt fait de manger.


La première partie du parcours passe par les gorges du Todra.C'est une zone très touristique, sensée être très belle, annoncée par une multitudes de panneaux pour des hôtels, des riads, des casbahs, des chambres d'hôtes, etc.

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En quittant Tinghir

Partout où il y a de l'eau, il y a des palmiers et de la verdure. Le contraste avec les zones sans eau est saisissant.

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À ma droite, le début de la gorge du Todra, près de Tinghir

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À ma gauche...

Il n'y a qu'une seule route qui remonte la gorge, suivant de près de la rivière, et, semble-t-il, bordée d'hôtels.

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L'entrée de la gorge du Todra

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Un petit Hyper U

Je suis tout excité lorsque je trouve des cookies dans un magasin. Ce sera parfait pour remplacer les autres gâteaux et pâtisseries sans saveur que j’achète d'habitude. Ces cookies seront la plus grosse déception de la journée. Quand j'aperçois des marques étrangères je saute dessus. Parfois je rêve de Chips Ahoy "avec des super méga morceaux de chocolat", ces gâteaux qui m'ont si bien nourris en Espagne.

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Franchement ils abusent, il n'y a pas un seul morceau de chocolat. Le "Suggestion de présentation" poussé à l’extrême...

Les gorges sont remplies de touristes en camping car et de locaux vendant des souvenirs au bord de la route.

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La route et les falaises. Ça rentre tout juste dans l'objectif de l'appareil photo

C'est très beau et très impressionnant. Les falaises sont censées faire 200 ou 300m de haut et ce qui est certain, c'est qu'il y a tout juste assez de place au fond pour la route et la petite rivière. La route se poursuit derrière les falaises mais, curieusement, la circulation et l'activité s'arrêtent ici. Il n'y a plus ni camping car ni magasins de souvenir après les falaises marquant l'entrée du canyon. Pourtant c'est toujours aussi beau et impressionnant.

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Je croise tout de même quelques grimpeurs.

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Le dernier hôtel-casbah

La route n'est qu'un mince bande de béton recouverte d'asphalte et, dans le silence de la gorge, l'écho se fait puissant.

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Cela dure quelques kilomètres avant que le route se retrouve à "ciel ouvert". Je suis vraiment seul. D'habitude j'aperçois au moins un berger avec ses moutons ou un gars sur son âne à peine visible dans la montagne. C'est rare d'être dans un endroit réellement vide. D'autant plus quand c'est un endroit aussi beau que celui-ci.

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J'ai l'impression d'être sur la planète Tatooine, dans le désert où se déroulent les courses de pod, et je continue à grimper, toujours plus haut.

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J'arrive à Tamtattouchte où je déjeune et bois un thé. Je me balade désormais avec mes propres feuilles de chiba (absinthe) car je trouvais de moins en moins de thé à la menthe ou à la chiba. Maintenant il me suffit de trouver une théière et d'y mettre mes feuilles. Pour 1dh j'en ai acheté une grosse quantité qui me servira pour un bout de temps. Le propriétaire d'un hôtel me dit qu'ils se pourrait que les gens "d'en bas" (ce qui sont au début de la gorge) colportent des informations erronées sur l'état des routes, de manières à garder les touristes et leur argent dans leur zone. Si c'est avéré c'est vraiment dommage. Pour moi la plus belle partie à voir si situe après l'entrée de la gorge. Il m'indique également que la piste d'altitude qui va jusqu'à Msemrir, dans la gorge du Dadès, ne devrait plus être enneigée étant donné que l'hiver a été chaud. Ce n'est pas bon pour les agriculteurs mais ça l'est pour moi car la piste franchit 3 cols sur 40km et l'hiver vient tout juste de s'achever.

J'arrive à une bifurcation de la route: sur la gauche, Msemrir, tout droit, Agoudal, au coeur de l'Atlas. J'échange quelques mots avec un cycliste qui se trouve là. Il me raconte des choses intéressantes sur "la grande boucle" qui consiste à poursuivre la route jusqu'à Agoudal avant de rebrousser chemin. C'est une boucle de 200km, au lieu des 100km que j'avais prévu, mais étant donné les incroyables paysages qui m'attendent là haut je suis content d'allonger l'excursion à 3 jours. Du change mes plans. En plus il y a des mines de sel. Ce n'est pas de l'or ni des diamants mais j'aime bien les mines. Autre chose rassurante, je remarque qu'à 2000m, la route est bien plus sèche que dans le Moyen Atlas à la même altitude. Là bas c'était humide et vert. Pas très loin d'ici et pourtant c'est un autre monde.

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L'agriculture avec peu d'eau

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La route est bonne et le paysage magnifique. Je dépasse Ait Hani et je devrais arriver vers Toumlilane pour la nuit, là où sont les mines.

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Aït Hani

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Toumlilane

Je dépasse les maisons pour aller à la recherche d'un endroit où camper et profiter des paysages dignes de Tatooine. Je suis en train de me faufiler le long d'une piste en cailloux quand je rencontre par surprise Youssef sur son vélo. C'est le gardien d'une partie de la mine et il m'a vu arriver depuis sa maison. Il m'invite à passer la nuit chez lui avec sa famille au village et j'ai bien du mal à refuser l'offre pour pouvoir dormir à la belle étoile. Il m'aide quand même à planter la tente et je suis content de voir que le ciel est au rendez vous. Malheureusement je suis trop fatigué pour en profiter et je m'endors rapidement, à plus de 2200m.



Bien que je me sois endormis sans manger cela ne m'empêche pas de dormir longtemps et de ne pas entendre mon alarme. Mais à 9h je suis réveillé de manière naturelle: le soleil sors de derrière la montagne et ma tente, dans laquelle il faisait 5°, se transforme rapidement en sauna, d'autant plus que je bien bien emmitouflé dans des vêtements de semi-survie et dans mon sac de couchage. Il s'est souvent produit la même chose en Islande l'été dernier et cela me permettait de garder le rythme, ce qui n'est pas chose facile là bas avec le soleil de minuit qui vous pousse à pédaler jusque tard dans la nuit.

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Se réveiller sur une autre planète

Je prends le petit déjeuner dans mon campement isolé. Il règne un silence absolu. Il n'y aucun vent et mis à part un oiseau ou une voiture qui passe de temps en temps je peux voir à des kilomètres à la ronde sans entendre un seul bruit, ce qui est plutôt rare. Je trouve des cubes de glaces dans ma bouteille qui a passé la nuit dehors puis je remballe tout et part pour visiter les mines de sel.

Je suis passé à côté hier. Mes indications consistaient étaient "sur la droite là où il y a des traces de passages d'ânes, c'est juste là". Et je me suis lancé avec ces informations un peu inutiles en pensant que je trouverais facilement, dans un endroit où il y des traces d'ânes partout. Le chemin menant à la mine commence en fait juste derrière le village de Toumlilane et si je n'avais pas croisé quelqu'un toutes les 5 minutes je ne l'aurais jamais trouvé. L'aubergiste me raconte qu'il y a trop peu de travail pour un trop grand nombre de familles avec trop d'enfants. C'est soit du travail dans les champs, les chèvres pour les nomades et les mines de sels pour les plus anciens. Les jeunes doivent trouver du travail dans les villes.

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Approvisionnement en eau

D'après les informations du gars d'hier le chemin devrait être praticable à vélo sur 3km, mais c'est plutôt un champ de pierre dans le lit d'une rivière asséchée. Je suis un canal d’approvisionnement en eau et je fini par apercevoir un homme sur âne qui descend de la montagne. C'est là ! Et en effet, en suivant ce chemin je tombe sur un truc ressemblant à de la mousse blanche et qui à le goût de sel. C'est bien du sel, mais pas celui que les mineurs recherchent.

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La route des mines. Sur la droite

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Du sel sur le sol

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Un mineur me montrant de gros blocs de sel

J'atteins enfin un trou dans la montagne. Un cheval attend que son maître remonte avec son chargement.

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L'entrée de la mine

Il y a 5 autres trous identiques dans le coin. J'ai la chance de rencontrer un mineur qui termine sa journée, en train de porter le 3ième de ses 4 sacs de 50 kg de sel hors de la mine. Il a des lignes blanches sur le visage, les mêmes que celles qu'un tee-shirt noir obtiendrait après une bonne séance de sudation. Il me fait visiter l'intérieur de la galerie à l'aide d'une lampe électrique. J'ai plus l'impression de faire de la spéléologie sans équipement que de visiter une mine. Je suis bien content de toujours transporter ma lampe frontale sur moi à coté de mon couteau suisse (qui à lui aussi une petite lampe, mais juste assez puissante pour lire dans le noir).

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Descente dans la mine

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Quelques mètres à l'intérieur. Ce n'est vraiment pas grand

Le mineur me montre ses outils rudimentaires, une galerie qui s'est effondrée et une autre qui a coulé dans les eaux souterraines. Presque tous les murs sont constitués de sel et il sont assez durs. L'extraction se faite uniquement à la main et avec des pioches, en creusant des sillons sur les murs. C'est amusant de ramasser du sel sur les murs, mais ne doit pas être marrant de travailler là tous les jours.

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50kg de sel !

Une fois les 4 sacs chargés sur le cheval, qui connaît le chemin par cœur et commence à marcher vers la maison immédiatement, je lui demande à combien se vend un sac de 50kg. J'ai compris ishrun dirhams (< 2 €), mais après il a commencé à parler de rials (20 rials = 1 dirham) du coup j'étais un peu perdu. Nous rebroussons chemin et je remonte sur mon cheval qui est également chargé avec 4 sacoches (mais qui n'avance pas tout seul), et le mineur m'invite à prendre un thé.

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La cascade (qui fait partie du réseau d'alimentation en eau)

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Mon cheval et le sien

Alors que nous entrons dans le village de Toumlilane je remarque qu'il y a beaucoup de dames qui font la lessive le long du canal. Contrairement au Berbères des villes elles portent des habits très colorés et ont des tatouages berbères, en général une forme géométrique sur le menton.

En fait de thé j'ai droit au repas familial, mais comme j'ai mangé un pain en entier au petit déjeuner je n'a pas très faim. D'autant plus que le repas n'est pas très frugal. Ici la tajine se mange de la façon suivante: on commence par manger du pain trempé dans la soupe, puis des patates et des légumes, et enfin la viande, jusque là cachée sous les légumes, apparait. Cette fois il y a une petite entorse à la règle, il a sorti la viande, l'a coupée, puis nous a donné 3 petits morceaux à chacun.

Ils me proposent de rester et de partir pour Agoudal demain, mais je préfère plutôt maintenant. Si j’acceptais toutes les propositions à boire le thé, à manger et à rester dormir je me retrouverais à la fin de permis de séjour marocain avant même d'être sorti de l'Atlas. Donc me revoici sur la route à 15:00, avec des jambes de bois. Et je pédale pendant 2 heures sur mon plus petit braquet, dans un décor magnifique, afin d'atteindre le col à 2700m, juste au dessus de Toumlilane.

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Toumlilane

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Portes amazigh

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Sur le chemin du col de Tizi n’Tirherhouzine

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Je rencontre deux bergers à 2700m. Ils préparent le thé en faisant un feu avec les quelques rares racines qu'ils trouvent. Il commence à faire froid et je me remets en route pour la descente de 20 km jusqu'à Agoudal. La descente est gâchée par un vent froid qui souffle de face. Je dois pédaler pendant la descente, et même comme ça je ne vais pas très vite. Mes doigts n'apprécient guère.

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Il n'y a aucun village jusqu'à Agoudal et je n'atteindrai pas le village avant la nuit. Quand j'aperçois deux hommes avec des détecteurs de métaux je me rappelle ce qu'on m'a dit sur le fait qu'on trouve facilement des fossiles par ici, dans la région d'Imilchil. Je vois un abris à chèvres à cent mètres de la route et il se trouve qu'il a une pièce qui semble plus faite pour les hommes que pour les chèvres. Ce sera parfait pour passer cette nuit qui s'annonce froide.

Les étoiles apparaissent peu à peu, et je peux faire cuire mes pâtes avec un petit bloc de sel provenant de la mine. Je ne transporte plus de sel avec moi depuis que j'ai ramassé une bonne idée de Cyril: j'utilise plutôt des cubes Maggi/Knorr. Cela donne du goût aux pâtes, ça transforme l'eau en soupe et ça lubrifie la casserole, qui est plus facile à nettoyer. Encore une nuit de plus dans le profond silence de l'Atlas.