Je pensais me faire réveiller par des gens qui viendraient me demander ce que je fait là, du coup je n'ai beaucoup dormis. Mais je me réveille sans avoir reçu de visiteur nocturne. D'un autre côté le temps qui semblait s'être amélioré en quittant le Rif n'a pas empêché qu'il pleuve sur ma tente cette nuit.
Ma route aujourd'hui m'emmène autour du grand réservoir du barrage d'Al Wahda. Lorsqu’il a été rempli, la route qui filait tout droit a été coupée, et maintenant il faut faire tout le tour.
J'imaginais que la route allais suivre plus ou moins la ligne d'eau la plus élevée autour du barrage, et que la journée serait facile. C'est exactement le contraire qui se passe, avec une montée dans le brouillard dès le départ. Je ne vois plus le lac. En fait je ne vois rien du tout.
Comme je suis maintenant sur une route que seuls les locaux et les animaux utilisent, je pensais pouvoir acheter à manger dans un village sans avoir à subir les techniques d'attrape touriste. Las, à moins qu'un système de comptage spécifique soit en vigueur dans la province de Taounate, on me demande de payer 20 fois le prix habituel. Ça fait du 14€ pour un pauvre bout de mortadelle plastifié (le genre de truc que je mange en cas d'urgence)... du coup je m’assois dans un café où les gens s'entassent pour voir un match du Real de Madrid, et je regarde Ronaldo marquer 3 buts pendant que je mange mes dattes.
À propos de nourriture d'urgence et de nourriture transportable, telle que les sandwiches, les biscuits, le saucisson, le fromage... Je pense que j'aurai beaucoup moins de choix ici qu'en Europe. Je vais devoir me contenter de pain et de Vache qui rit, plus de la viande qui a un gout de...quelque chose, et des dattes. Les dattes sont une bonne affaire, ce n'est pas chère et c'est sucré. Malgré toutes les vaches et les chèvres que j'aperçois depuis la route, quand on parle de "fromage" par ici il faut en fait comprendre Vache qui rit. D'un autre côté les aliments annoncé comme frais le sont réellement. Le kefta est souvent préparé et cuit à la commande. Le boucher attrape la pièce de vache suspendue au dessus de lui, l’assaisonne, la grille et la sers, le tout en 10 minutes. Je pense que j'en mangerai beaucoup au Maroc.
Les gens me semblent bien plus sympa ici que dans le Rif. Tout le monde me salue, que ce soit dans un magasin, quand je croise un camion, ou encore les gens dans les champs. On dirait que ça correspond au changement de langage dominant, étant donné qu'ici je parle désormais plus souvent français qu'espagnol. Les environs du barrage sont très calmes, pratiquement sans voitures et constitués principalement de zones de pâturage.
Je peux également témoigner de l'évolution du prix du pain. Un pain rond, appelé khobs, coûte en général 1.20 dh dans les villes. Dans les petit villages, je n'en ai pas trouvé pour moins de 2 dh. Parfois ça monte même à 5 dh (pour un gros)
Je croise également pour la première une fille qui sourit. Dans ces régions rurales aucune femmes, même les petites filles, ne sourient. Elle baissent toujours le regard quand je passe à proximité. A l'opposé les garçons sautent dans tous les sens et les hommes bavardent un peu. Comme je ne vais pas très vite à vélo j'ai le temps d'avoir la discussion suivante des dizaines de fois par heure avec tous les gens qui je trouve le long de la route:
– Salaam alaykoum !
– Salaam alaykoum, comment vas-tu ?
– Très bien merci et vous ?
– Très bien, ' lhamdulillah, où...
.
En quittant la zone du barrage la route devient plus plate et mieux goudronnée. La nature est frappante de par sa couleur verte et je me prend à penser au désert, aux rochers et au sables qui m'attendent dans quelques jours.
Je suis toujours sur la route de Fès. Celle ci est maintenant rectiligne et bordée d'arbres. Le ciel s'assombrit rapidement et je demande aux gens si je peux planter ma tente. Mon premier essai m'envoie au prochain village où j'essuie un nouveau refus. J'essaie une troisième fois et là les gens m'invitent à planter ma tente où je le souhaite derrière leurs magasins. L'endroit s'appelle Oued Sebou ou Pont du Sebou, et un garçon m'emmène au bout du village où se trouve Zach qui parle anglais et gère un café. Il y a là une foule qui regarde l'Afrique du Sud jouer contre le Maroc. Celui-ci est finalement éliminé de la compétition après plusieurs buts de dernière minute.
Je suis invité par Hamid et je passe une très bonne soirée avec Abdelouafi et sa famille. Ils m'accueillent très chaleureusement et avec générosité.
Nous prenons le petit déjeuner le matin et discutons de mon itinéraire. Je pensais rallier Fès au plus vite, à seulement 50 km d'ici, mais j'apprends que Moulay Yacoub, la ville thermale, a en fait des bains publics “normaux” en plus des spa haut de gamme. Ça fait 20km en plus et je décide d'y aller et d'y dormir.
Hamid me dit qu'il a vu un autre gars barbu sur un vélo avec des sacoches il y a seulement 30 minutes. C'est la description basique d'un cyclo touriste, mais il se pourrait que ce soit Simon, que j'ai rencontré vers Tétouan il y a quelques jours. Les routes sont belles et très tranquilles, et vertes comme d'habitude.
Je continue de saluer et d'être salué par tout le monde sur la route, mais certains hommes se mettent à ajouter en plus des phrases commençant par "ton ami est...". Et en effet, au cours de l'ascension (entrer à Fès par le nord implique de monter à 700m), je retrouve Simon.
Il apparaît sur OpenStreetMap qui nous n'avons pas besoin d'aller jusqu'à Fès pour pouvoir ensuite rejoindre Moulay Yacoub. Il y a une petite route, beaucoup plus étroite que celle sur laquelle nous nous trouvons actuellement, coupant à travers les collines et nous évitant ainsi 20km. La route n'est pas sur la carte Michelin, ce donc être un chemin de terre.
La petite route quittant l'axe principal à l'air d'être de bonne qualité et nous décidons de l'essayer, en gardant à l'esprit qu'elle pourrait se transformer en chemin boueux sur plusieurs kilomètres. Mais il s'avère qu'elle est très bonne, surplombant Fès à certains moments, et nous emmenant dans les plus belles descentes que nous ayons rencontrées depuis notre arrivée sur ce continent. Au dessus du cocon de brouillard enveloppant la deuxième ville du Maroc nous apercevons même deux chaines de montagnes enneigées, nos prochains défis.
Les routes ont été très calmes jusqu'à présent, et j'ai vu seulement quelques cafés dans les petits villages. L'arrivée à Moulay Yacoub est surprenante car après une dernière montée nous voyons tout à coup, réunies à un seul endroit, autant de personnes que pendant toute la journée. La ville est organisée autour d'une unique colline, avec une seule route pour y accéder, remplie de voitures et d'hommes régulant le stationnement. Moulay Yacoub est une ville très touristique mais réservée aux locaux: il n'y a aucun touriste étranger. L'avantage est que nous ne nous feront pas suivre par des ados et des hommes nous offrant tout ce qui est possible d'offrir. Par contre les prix sont plus élevés que la moyenne, et les thermes seront bruyants. En plus c'est les vacances scolaires et il y a un jour férié pour célébrer l'anniversaire du Prophète. Les hôtels sont pleins et cher.
Les choses importantes en premier: nous commandons 1kg de viande et nous nous posons pour nous imprégner du rythme de la ville. L'unique route de la ville est très fréquentée. Les restaurants servent de la viande grillée, des tajines, des sucreries, les magasins vendent de tout, comme d'habitude, mais tout particulièrement des savons, des tongs et des serviettes. Nous réussissons à négocier une chambre dans une maison à un prix raisonnable. Pas au prix de la médina, mais quand même moins cher qu'à l’hôtel. Nous y rangeons nos vélos et partons enfin pour les thermes. Ils sont ouverts 24h/24 et coûtent seulement 14 dh.
Il y a une piscine pour femmes, hommes, qui gardent leurs sous-vêtements dans la baignoire. Je suis heureux d'enfin faire tremper dans l'eau chaude. L'endroit est un hammam géant avec une piscine géante au milieu. L'odeur est loin d'être mon odeur de soufre bien-aimé, car il s'agit d'effectuer sur leIl y a une piscine pour les femmes et une pour les hommes, qui doivent garder leur sous vêtements dans l'établissement. Je suis impatient de pouvoir enfin me tremper dans l'eau chaude. L'endroit est un hamam géant avec une piscine géante au milieu. L'odeur qui s'en dégage est loin de celle de souffre que j'appréciais tant dans les Onsen Japonais. J'ai plus l'impression de sentir des toilettes publiques qu'une source d'eau chaude. Je m'y habitue quand même après un certain temps passé dans l'eau brûlante. Celle-ci est brune et changé une fois par mois. Il y a beaucoup de gamins et de jeunes qui sautent et chantent des chansons de remerciement. On est à mille lieues de l'étiquette en vigueur dans les Onsens japonais.
Ce qui est nouveau pour moi c'est la présence d'hommes employés pour laver et frotter les visiteurs. L'un d'eux s'occupe de moi. Il me lave et me frotte avec un savon noir en déployant une énergie propre à me faire oublier tout ces jours passés à transpirer sans pouvoir prendre de douche. Après ça j'ai droit à une séance de massage/étirements où il se contente de placer mes jambes dans des positions étranges avant de les frapper. Ça me rappelle les massages thaï quand je faisais du vélo en Thaïlande. Je n'étais jamais vraiment convaincu que ça aide mes jambes à récupérer plus rapidement et j'étais surtout content d'en sortir avec tout mes os intacts.
C'est finalement une bonne expérience et en plus il y a encore des magasins ouverts à 2h du matin, pratique pour acheter des jus de fruits fraîchement pressés! Je commence à être accro au jus d'avocat. C'est un peu comme un repas liquéfié.
J'ai reçu une autre bonne nouvelle au cours de la journée à propos de ma carte de débit qui est finalement arrivé à Rabat. Elle a juste été envoyée au mauvais endroit. Heureusement je suis près de Fès où il y a une ligne de train directe pour Rabat.
Le lendemain nous faisons un petit 20 km de Moulay Yacoub à Fès.
Nous démarrons tout doucement le matin, en buvant du thé et en mangeant quelques petits trucs avant de partir.
La route est rapide, le temps au beau fixe, et nous entrons dans la grande ville de Fès.
Nous sommes accueillis par Karim, le frère de Zach, rencontré il y a deux jours à Pont du Sebou. Je n'aime pas faire du vélo dans ces grandes villes, les bas cotés de la route sont pleins de clous et autres objets perçants. Mais désormais nous marchons dans le Mella, le vieux quartier juif de Fès. Un endroit réservé au piétons où la foule se presse dans des rues étroites.
Karim prend soin de nous aussi bien que sa famille il y a 2 jours. On nous laisse le temps et l'opportunité de prendre une douche, laver nos vêtements, faire des réparations, faire un voyage éclair à Rabat pour moi, et manger de la délicieuse nourriture, notamment au mariage des voisins. Nous sommes accueillis royalement, et cela avant de partir pour l'Atlas, Ifrane et la neige.
Je viens de traverser les collines au nord de Fès. Je suis surpris que personne ne vous ait invité chez lui. Je suppose que c’est juste de la chance à la fin.
Salut JB,
C’est toujours aussi sympa de suivre tes aventures, et en lisant tes articles, je me rends compte à quel point voyager en vélo permet d’avoir un autre point de vue sur les pays que tu traverses! Ca donne vraiment envie de partir en vélo!
Vivement la suite de tes aventures!
Et j’espère que tu fais mûrir l’idée, le vélo change tout en mieux ! (bon, peut-être région parisienne à part ... 🙂
Merci une fois de plus pour tes superbes récits et photos ! Contente de voir que l’hospitalité familiale marocaine, que j’avais aussi découverte à Fès, existe encore même dans cette ville touristique…ce qui doit bien t’aider pour éviter les arnaques, non ?
Côté bains thermaux, si ceux de Moulay Yacoub ne sont pas les plus agréables que tu auras pu testé, j’espère qu’ils auront contribué à te remettre en forme ! Ici à Ovronnaz, sauter dans les bains thermaux après avoir skié dans une neige poudreuse tombée en quantité ENORME est toujours aussi agréable !
Bonne route à travers le moyen-atlas puis l’atlas, dans les dégrabés d’ocre, de rose et de rouge, couleurs dominantes qui ressortent de mes souvenirs !
Les bains thermaux suisses manquent toujours 5 a 10 degrés, mais bon, ils ont la belle vue. Et je te confirme, l’atlas est conforme a tes souvenirs !
Bon ski