Le Rif pluvieux

Après cinq jours passés à Tétouan, principalement en utilisant l'internet j'ai didn ’ t utiliser au cours des deux dernières semaines et flâner dans la médina de nice que j'ai commencé à connaître assez bien, il est temps de commencer le cyclisme au Maroc, pour de vrai. J'espère qu'au moment où que j'ai fini mes tâches, le mauvais temps serait allé loin. Mais la prévision est nuageux/pluvieux pour les trois prochains jours, tous les jours. Il ne pleut pas terrible, mais est sûrement ennuyeux suffit de ne pas profiter de l'expérience de la traversée des montagnes du Rif.

Même si l'hôtel Africa de Tétouan et ses hôtes sont très gentils, rien me tenir plus sédentaires. La coupe africaine des Nations (CAN) a commencé et les cafés sont remplis au cours de l'après-midi (en fait, presque comme d'habitude). Tous les hommes sont alignent sur leurs chaises, comme dans une salle de classe, boire du thé devant la télé. Le vent humide souffle dans les ruelles de la médina, transformant les chemins en mares de boue à certains endroits et prendre vers le bas les bâches devant magasins, utilisés comme pare-soleil. Mais maintenant, ils portent leur quantité maximale d'eau et sont des bombes à eau plus surprenant que les parasols.

Je décide de partir par une grise matinée. Advienne que pourra. Je sors de la ville sous une très fine pluie, quelques gouttelettes tout au plus, et je fais la blague (avec succès) de m'arrêter à la station essence pour recharger ma bouteille de combustible pour le réchaud. Enfin je suis sur la route pour Chefchaouen.

Normalement les gens prennent la route principale pour atteindre Chefchaouen. C'est direct et il y en a pour 60 km. Ma route passe par Oued Laou, un village côtier, puis retourne vers le Chaouen en passant par une gorge. Ça fait 40km de plus mais c'est apparemment bien plus beau, et évidemment bien plus tranquille.


J'arrive à la mer Méditerranée au sud de Ceuta. C'est une destination de vacances pour les autochtones et aussi pour les européens, mais là on est hors-saison. Le temps s'améliore significativement aussitôt arrivé à la mer. Le ciel est bleu mais il y a un fort vent de terre. La route côtière ne suis pas vraiment la côte (qui n'est pas rectiligne). Au lieu de cela elle zig zag entre les villages disséminés le long de l'oued (rivière) et les falaises dominant la mer. Ça descend quand on va vers les terre et ça monte quand on va vers la mer, donc le vent souffle dans la "bonne" direction.

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Côte marocaine sur la mer Méditerranée

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Oued Laou marque la mi-journée et je dois maintenant revenir à l'intérieur des terres, dans les montagnes du Rif jusqu'à Chefchaouen. Je ne sais pas si je pourrai aller jusque là, car c'est de là que viennent le vent et la pluie.

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Oued Laou

À Tétouan j'ai récupéré un petit drapeau marocain que j'ai coincé dans ma sacoche arrière. Quand il claque au vent ça me rends plus visible sur la route, et sinon ça créé une sorte de périmètre de sécurité au cas où une voiture me double un peu trop près.

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Oued Laou

Au fur et à mesure que j'avance dans les terre je reçois de plus en plus de gouttelettes. J'ouvre l’œil pour repérer les stands de nourriture, ceux qu'on trouve partout avec des gens qui vendent des sandwichs, mais il n'y en pas ici. Je ne peux même pas abandonner mon rêve de viande franche pour me rabattre sur des gâteaux secs vu que les magasins de bord de route, qui vendent des conserves et des trucs secs, sont fermés entre 13h et 15h en général.

Enfin j'aperçois un panneau indiquant un camping-café-restaurant sur la route, juste quand il faut, au moment où j'allais vraiment être trempé. Malheureusement la dame est sur le point d'aller se coucher et elle accepte seulement de me faire un thé, au même prix qu'en ville. J'en suis donc réduit à cuire mes pâtes, en attendant que la pluie passe.

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Un Arc en ciel, le seul signe de réconfort lors d'une journée pluvieuse

La pluie ne passe pas et la dame veut me faire payer pour m'être abrité devant sa maison. Ce n'est pas aujourd'hui que je ferai l'expérience de l'hospitalité marocaine dont j'ai tant entendu parler. Peut importe, je continue la montée vers le Chaouen sous une fine pluie. Celle-ci s'en va et s'en vient mais le ciel s'assombrit à mesure que je m'enfonce dans le Rif, ce qui me laisse pessimiste quant à l'humidité de mes chaussettes ce soir. A un moment donné un groupe d'adolescents marchant au bord de la route décide de m'aider et l'un d'eux me pousse jusqu'en haut de la montée où je me trouve. C'est un petit moment de bonheur... jusqu'au moment où il arrête de pousser et me retient pour me demander des dollars, des euros, des cigarettes, quelque chose...

Alors je continue seul sous la pluie. Je suis bien mouillé maintenant et il faut que je trouve un hôtel ce soir étant donné que je n'ai pas du tout envie de planter ma tente dans la boue et de me réveiller avec des vêtement encore trempés.

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Gorge de Oued Laou

La route doit être belle à coup sûr. Je peux imaginer les contours du canyon que je suis jusqu'à l'origine de la rivière, mais c'est suffisamment nuageux et brumeux pour m'ôter tout le plaisir.

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Je suis trempé mais heureux d'atteindre le carrefour avec la route principale pour la ville. Cela veut dire qu'il me reste seulement 10km à faire, mais il commence à faire sombre. Je fais les 5 derniers kilomètres de nuit. Je peux voir les lumières de Chefchaouen mais elles approchent lentement, et mon dos me fait mal, dans cette montée raide. Je sais que je ne devrais pas faire de vélo la nuit à cet endroit mais il faut que je trouve un endroit au sec.

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Enfin arrivé à l'intérieur de la ville de montagne, je trouve rapidement un hôtel non loin de la médina, expédie les tâches devenue routinière (marchander/remplir le formuler/mettre mon vélo à l'abri) , et ressors en quête de nourriture. Au final je n'ai mangé que mes petites pâtes depuis ce matin. Je pensais pouvoir trouver à manger le long de la route du coup je n'ai même pas emporté un paquet de biscuits, et maintenant j'ai super faim.

Ma situation n'a pas changée mais mon humeur est complètement différente: mes chaussures sont toujours de vrais seaux d'eau et mon corps dégage encore la chaleur due à l'effort, mais mon seul but désormais est de manger tout ce que je vois. Et c'est une tâche bien plus facile et appréciable que celle qui consiste à pédaler en montée sous la pluie. Cependant je dois rester vigilant si je ne veux pas rentrer à l’hôtel avec un yaourt expiré depuis un an.

La dernière fois que je suis venu ici, il y a deux semaines, la médina du Chaouen était si jolie sous le soleil, parée de bleu et de blanc; maintenant elle est glauque et désertée. Je mange à ma faim puis vais me coucher, enfin sec. La seule chose positive à retirer de cette journée c'est le fait que mon vélo, que je n'ai pas lavé depuis mes aventures dans la boue la semaine dernière, est maintenant propre comme un sou neuf. Un truc surprenant aussi , c'est le fait que cette journée est celle où j'ai eu le plus de dénivelé positif depuis le début du voyage. 2000 m, alors qu'il n'y avait aucun col d'altitude, c'est plus que ce que je faisais dans les Pyrénées.

Le 25 janvier, les prévisions météorologiques de la journée, que ce soit sur internet (plus de pluie qu'hier) ou par les locaux (“ s'il pleut à minuit, il va pleuvoir pendant une semaine ”) ne sont pas motivante pour faire du vélo.

Toutefois, ayant déjà séjourné quelques jours à Tétouan, je n'ai pas besoin de me reposer à nouveau à Chefchaouen. Les gens disent qu'il pleut toujours comme ça en hiver, du coup je me suis fait à l'idée que je ne sortirai pas du Rif avec des souvenirs de routes sèches. Entre 11h et midi je surveille le ciel depuis ma fenêtre et, ne voyant rien tomber, je décide de partir. J'enfile mes vêtements humides (brrrr...), des sacs plastiques dans mes chaussures mouillées (les magasins donnent encore des sacs plastiques gratuits ici, je peux donc me permettre de ne pas les garder précieusement) et je pars.


Je pédale sous la bruine jusqu'à Derdara. De là je pars vers le sud en évitant la route principale pour Ouezzane, et j'évite également celle de Ketama car j'ai lu pas mal d'histoire de cycliste qui ont eu une mauvaise expérience dans ce haut lieu de la production de haschisch. J'ai opté pour la troisième option, la plus petite route qui part plein sud depuis Bab Taza et qui fait le tour du barrage d'Al Wahda. J’espère que je pourrai trouver un endroit au sec pour dormir sur cette petite route. Il n'y aura que des petits villages, et à ce qu'on m'a dit, si il n'y a ni hôtel ni pension, les gens seront assez gentils pour me trouver une solution.

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Chefchaouen

Il faut d'abord que j'atteigne Bab Taza, à 900m d'altitude. Elle se trouve en haut d'une côte au cours de laquelle je me fait arroser à nouveau, mais je suis déjà trempé et je m'y attendais de toute façon. Il y a beaucoup de monde sur le bord de la route et il me saluent tous à coups de “fuma?”, “quieres algo?” ou “hola amigo” pour les plus polis. Un homme qui me double en voiture fait demi tour pour m'attendre plus loin et "solo hablar". Rien de bien méchant, mais c'est la saison basse pour le tourisme et j'ai l'impression d'être le seul poisson sur la route et que tout le monde veut me ferrer. Mais mouillé et refroidi comme je le suis dans la montée, je ne risque pas de m'arrêter.

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Bab Taza... la porte des nuages

Je me prends un grand sandwich kefta à Bab Taza et regarde la pluie tomber, depuis mes chaussures trempé. Ça continue encore et encore. J'essaie de me convaincre que la pluie cessera après Bab Tazar et que ça ira en s'améliorant, à mesure que je m'éloignerai des montagnes.

Et ça marche, une dizaine de kilomètres plus loin le paysage se réchauffe et n'est plus aussi gris. Quelques rayons de soleil ainsi qu'un arc en ciel apparaissent.

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Jackpot !

Tout est très vert. Je suis une rivière qui se jette dans le barrage vers lequel je me dirige. Je peux deviner la route passant au dessus de moi. Elle va jusqu'à Bab Berret ("les portes du froid") et Ketama, accrochées au crêtes du Rif, là où les nuages noirs s'accrochent.

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La petite route est goudronnée la plupart du temps, mais détruite sur les cotés. De ce fait c'est une voie à sens unique, avec des nids de poule au milieu.

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Avec la pluie et la boue, l'asphalte joue à cache-cache

Il ne se passe rien de bien intéressant, jusqu'à ce que j'atteigne le croisement où je pensais trouver le village (d'après Google Map) et demander un abris pour dormir. Point de village ici, seulement 3 policiers qui contrôlent les voitures. Ils me disent que Aalalech se trouve à 3km plus loin, sur la petite route, mais qu'il n'y a que 5 maisons. Et qu'il n'y nulle part où je pourrais dormir ("Le plus proche c'est Chefchaouen, seulement à 50km" me disent-ils...c'est là d'où je viens) et qu'en plus c'est dangereux par ici. Je ne sais pas à quel point c'est vrai mais les gens aiment à répéter que les routes sont dangereuses la nuit. Enfin, le chef des policier se souviens que le patron de la station essence, pas loin d'ici, et quelqu'un de bien et qu'il pourrait m'aider. Me voici donc en train de repartir dans l'autre sens, à remonter la pente sur 4km, jusqu'à la station essence.

En fait de station essence, c'est plutôt le centre de vie de toute la vallée que je trouve. Il y a un grand café, une boucherie avec un grill, un garage, une salle de prière, une tonne de 4x4 garés sur le parking, et c'est rempli d'homme. Très peu sont là pour faire le plein. Ils sont plutôt en train de regarder le foot à la TV. La plupart des cafés passent le foot (les principales ligues européennes) ou National Geographic Abu Dhabi pendant les quelques minutes de la journée où il n'y pas de foot. On me dit que le propriétaire sera bientôt de retour alors j'attends en buvant du thé. Je suis toujours mouillé, mais réconforté à l'idée d'avoir un toit pour la nuit. Je regarde la pluie, je regarde un match de la CAN, je regarde un match de la Bundesliga, je bois trois thés et enfin le proprio arrive. Il met mon vélo dans une remise fermant à clé et me donne un canapé à partager avec un des serveurs. Les gens qui habitent ici à la station (ouverte 24/24) sont très gentils.

Nous discutons encore un peu le matin en attendant que le proprio vienne avec la clé pour ouvrir la remise avec mon vélo. Je me suis levé un peu tard mais ça n'aurait servi à rien de me lever plus tôt de toute façon. Il faut que je m'habitue au temps Africain, où les choses prennent le temps qu'elle prennent, et me faire à l'idée que je ne puisse pas planifier des journée entière à pédaler pour avancer de manière efficace.

Nous parlons de la région. Celle-ci était touristique jusqu'aux années 80, mais maintenant les seuls espagnols et étrangers qui s'aventurent jusqu'à Ketama le font pour le boulot. D'après lui il y des mafias dans le coin également. C'est triste étant donné que la route est marquée comme pittoresque sur la carte Michelin.


Lorsque je pars vers midi, la journée est prometteuse. C'est encore un peu couvert mais bien plus lumineux. Je suis impatient de passer une bonne journée à pédaler sur les petites routes. On m'a dit que je passerais pas loin de Beni Ahmed, qui n'est pas directement sur ma route. J'ai plusieurs sources d'informations pour obtenir des cartes et des indications: la carte papier Michelin, Google Maps et OpenStreetMap sur mon téléphone, et les gens et les panneaux sur la route. Et tout ce monde est rarement d'accord. Je dois aussi m'habituer au kilométrage quelque peu fantaisiste. Par exemple sur la route de Chaouen j'étais sensé rencontrer un col à 1600m (il doit être après la ville parce que avant elle, ça ne monte pas à plus de 700m). Ou encore ce village annoncé à 2km et qui était en fait à 20km. Entre autres.

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Une belle journée sur le Rif

Après avoir roulé 5km, à un endroit où la route est bien large, un rétroviseur vient taper mon bras et mon guidon. Et la voiture continue, avec le passager me regardant par la fenêtre pendant que je descends pour vérifier qu'il n'y rien de cassé. Il n'y a pas de mal vu que la voiture roulait lentement mais quand même, ce n'est pas la meilleure façon d'entamer la journée. Je ne sais pas si ils ont fait exprès ou pas.

J'enchaine ensuite les petits virages en montée en direction de Beni Ahmed, comme annoncé par les gens de la station essence. D'après ma carte c'est une ville qui se trouve 100km plus à l'ouest, mais il doit y avoir beaucoup de Beni Ahmeds. Cependant elles ne font mention d'aucun village à cet endroit, alors que c'est plutôt grand avec plusieurs restaurants et même un distributeur de billets.

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La grande rue de Beni Ahmed

Apparemment la règle d'usage sur les routes sinueuses est de klaxonner proportionnellement à la vitesse à laquelle on roule. Certains personnes connaissent très bien la route. La route dans Beni Ahmed est juste un chemin boueux.

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Environs de Beni Ahmed

Je pédale vers le réservoir du Barrage d'Al Wahda, inauguré en 1997 et indiqué comme étant le plus grand du Maroc et le deuxième plus grand en Afrique. Je ne verrai pas le barrage de 2600m de long mais seulement les 123 km2 du réservoir. Celui-ci est plus long que le viaduc de Millau, où j'ai été filmé pour un magasine TV qu'Aurélien à pu enregistrer et diffuser à l'adresse suivante (lien cliquable).

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Je prends enfin du plaisir à pédaler au Maroc

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Barrage d'Al Wahda

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Barrage d'Al Wahda

La route est agréable avec le soleil, les gens semblent plus amicaux et me saluent sans essayer de me vendre quelque chose. La nature est magnifique et le soleil se couche alors que je me plante ma tente au milieu des oliviers. Je pensais être seul mais des hommes sortent de nulle part. Apparemment les pêcheurs ont une cabane sur la rive du réservoir. J'aperçois les lumières de Tafrant sur l'autre rive et j'entends le minaret pour les prières du soir.