Gibraltar est à l'esprit quand je me lève, ce bit de Grande Bretagne à la pointe sud de l'Espagne. Quitté Los Angeles sur le plat me donne un sentiment de facilité que je ne l ’ t ont depuis longtemps. Sur les routes, il n'y a aucun signe pour Gibraltar, Algésiras seul, qui est de la ville face à la baie. Le chemin est assez simple, mais – au sud – et utilisé par de nombreux cyclistes, seuls ou en groupe. Ils sont plus nombreux que les voitures. Au bout de la rue a même une piste cyclable réservée.
J'atteins la mer avant midi. Je suis maintenant exactement au détroit de Gibraltar, là où il y a un renfoncement dans la baie: à ma droite Algeciras, la ville et le port (moche), à ma gauche Gibraltar, le « rocher » qui sort de la mer, impressionnant, et les cargos (moches) qui stationnement en face de lui. Il y a pas mal de tensions entre l'Espagne et le Royaume-Uni, qui tire parti de son territoire marin à Gibraltar pour stationner des bateaux qu'aucuns pays ne voudrait voir stationner chez lui. Une fuite ou un accident ici causerait bien plus de tort à l'Espagne qu'aux 5km de côte de la Reine. Et enfin, dernière mais pas des moindres, face à moi, si proche, la côte africaine.
Il existe plusieurs options pour prendre un ferry pour le Maroc : au départ de Gibraltar, d'Algeciras ou de Tarifa. Gibraltar est censée être la plus chère, mais certainement moins pénible qu'Algeciras, bien plus fréquentée. Me retrouver coincé entre les voitures et les camions au fond d'un bateau n'est pas la façon dont j'envisage mon arrivée en Afrique. Je lis sur Internet qu'il y a beaucoup de compagnies de ferry et autant de types de billets. Je me souviens du bazar que c'était à Dar-es-Salaam, au port pour aller à Zanzibar, et je ne veux pas tenter l'expérience avec un vélo. J'ai également découvert que depuis peu la plupart des ferry à destination de Tanger s'arrêtent en fait Tanger MED, un nouveau port situé à 40km de la ville. Et je me vois mal arriver là bas en pleine nuit, pas préparé.
Donc je décide de tenter ma chance à Gibraltar, même si le site de la compagnie de ferry que j'ai consulté m'indique qu'il n'y a pas de bateau aujourd'hui. Le «rocher» est maintenant bien en évidence, là devant moi, mais il n'y a toujours aucune signalisation à son sujet, comme si l'Espagne voulait le dissimuler.
Les premiers panneaux apparaissent au tout dernier rond-point, là où les embouteillages commencent à cause de la douane. Je dépasse facilement une Ferrari, passe la douane rapidement et suis maintenant au Royaume Uni (je ne compte pas ça comme un nouveau pays pour mes Statistiques cependant).
Je traverse l'aéroport, passage obligé étant donnée qu'il est construit sur la seule partie plane du territoire de Gibraltar, terrain partagé également avec la route d'accès et la douane, et je me dirige ensuite directement vers le port. Celui-ci est fermé en raison de l'absence de trafic aujourd'hui, du coup je n'ai pas d'autre choix que de visiter Gibraltar en vitesse et continuer jusqu'à Algeciras pour trouver un ferry.
Je ne trouve rien de bien intéressant à acheter vu qu'on est le dimanche (jusqu'à maintenant je n'avais aucune raison de me soucier de savoir quel jour de la semaine on était) et que, à part les magasins d'alimentation, tout est fermé. Je me laisse tenter par un triple burger étant donné qu'ils acceptent les euros en plus de la livre officiel de Gibraltar (1 GIBP = 1 GBP).
Mon voyage à Gibraltar s'achève (il me faudrait une autre journée pour voir les kilomètres de tunnels de défense percés dans le rocher) mais je ne toujours pas à Algeciras. C'est juste en face, de l'autre coté de la baie, mais la seule façon d'y aller est par voie terrestre. Il n'y a pas de route le long de la côte et pas (enfin plus) de pont sur le ruisseau peu profond qui brise la continuité de la plage. J'ai hésité pendant un certain temps à le traverser. J'aurais de l'eau jusqu'à la taille sur une distance de moins de 5m. Mais incertain quant au sort de mon vélo et à la consistance du sable je me rabats sur la seule option sure, le seul pont existant, plus loin au nord: l'autoroute.
On dirait que je n'ai pas d'autres choix que de devoir prendre l'autoroute pendant un certain temps. Le port d'Algésiras fait face au port de Gibraltar, situé à quelques encablures seulement. Mais par la route cela représente 25km. Je suis stressé par les voitures qui roulent à grande vitesse juste à coté de moi, et du coup je me concentre pour bien rester sur la bande d'arrêt d'urgence. Accessoirement j'arrive à tenir une belle moyenne de 30km/h.
Au cours des ces quelques kilomètres bien stressant j'aperçois un panneau de sortie destiné au cyclistes, avec une petite ouverture dans la barrière de sécurité donnant directement sur un champ asséché. Hmmm... donc ce n'était pas une blague, la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute sert également comme piste cyclable ? Ce genre de sortie qui ne mène nulle part n'est qu'une aberration parmi tant d'autres, dues à un urbanisme irréfléchi, et je décide de rester sur l'autoroute, bien plus efficace, jusqu'à Algericas.
Un agent de voyage sur la route m'avait mis en garde de ne pas débarquer en soirée avec un vélo à Tanger MED, la destination pour les ferry d'Algeciras. Ce serait le bazar, je serais livré à moi-même au milieu des familles avec leurs tonnes de bagages, ou au mieux on me vendrait un ticket de bus à prix d'or pour me transporter jusqu'à Tanger avec mon vélo. Au lieu de cela, il m'a conseillé de prendre un bus jusqu'à Tarifa et, de là, prendre le ferry, qui navigue jusque tard dans la soirée, qui rallie directement la ville de Tanger. Tarifa est une ville avec un port plus petit que celui d'Algeciras, mais plus près de la côte marocaine. C'est le seul endroit où les ferries transportent des personnes (et quelques voitures) directement jusqu'au port de Tanger, juste derrière la médina. Comme il me reste 2 heures avant la nuit, je peux même pédaler jusqu'à Tarifa. C'est ce que je fais, sans même m’arrêter à Algeciras.
La route, la seule entre Algésiras et Tarifa, m'emmène en haut d'une colline à 400 mètres, avant de descendre à nouveau vers la côte. C'est un peu fréquenté mais très agréable une fois atteint le mirador avec les meilleures points vues possible sur le Maroc. Avec la douce lumière de la fin de la journée et une visibilité parfaite, je peux repérer tous les bateaux se trouvant entre Ceuta et Tanger MED.
Je descends en vitesse, en plein milieu des éoliennes à l'arrêt, jusqu'à la petite ville de Tarifa - costa de la luz, costa del windsurf. C'est censé être un excellent spot de planche à voile, ce qui explique la présence de nombreuses éoliennes. Mais pour le moment c'est plutôt calme.
Le Bureau du port a deux guichets, un pour chacune des deux compagnies opérant à partir de là. Les deux demandent 33 € par passager, mais celui qui à l'air le plus clean et qui est tenu par une dame blonde fait payer un supplément de15 € pour un vélo, alors que c'est gratuit avec l'autre. Ma décision est prise rapidement car il y a un départ toutes les heures et le trajet dure 35 minutes, quelque soit la compagnie.
Jusqu'à mon départ, je “ visite ” le point le plus méridional d'Europe continentale : la Isla de Tarifa. C'est où l'océan Atlantique rencontre la mer Méditerranée. J'ai aussi regardé mon dernier coucher de soleil en Europe.
De retour au port, j'ai droit à la file d'attente avec les voitures, en attendant que le ferry soit prêt. C'est là où je réalise qu'avec mon poids lourd de 20 kg d'acier et 20 kg de bagages (que je sens bien dans les ascensions en montagne) je suis en fait minuscule entre les voitures chargées de bagages et cet énorme mur d'acier qu'est le ferry.
Le vélo est arrimé dans la cale, et moi je suis assis sur le pont en train de regarder l'Afrique, où je vais prendre des vacances bien méritées après 3500 incroyables kilomètres parcouru à vélo depuis la Suisse, me rapprochant toujours en peu plus. L'aventure commence…
Merci,
Ca continue au Maroc, de la route, des trous, et bien plus de gens que dans le froid de l’hiver européen …
D’Artagnan…
Bonjour JB.Bravo pour ton périple jusqu’au sud de l ‘Europe.
Tes photos et récits sont toujours aussi intéressants.
Je te souhaite une bonne continuation pour la suite des évènements que je ne manquerai pas de suivre.
A bientôt.
Laurent
AlinC,
bonsoir JB,
Ton sourire sur la photo avec l’Europe et l’Afrique montre ta satisfaction d’être arrivé au premier grand objectif de ton périple et l’impatience de poser ton vélo sur la terre Africaine .
J’espère que tu as bien profité des jours de repos pour recharger les batteries physiques et mentales.Une autre aventure commence….bon courage pour les km à venir .