Les routes fantastiques de l'Alpujarra

Je me réveille encore faché par le fait que, bien qu'étant dans une ville thermale, je suis pourtant sale et je ne dirais pas non à un jour de repos. Je décide de me reposer "sur la route", cad de pédaler un peu, tranquillement, jusqu'à ce que je trouve un endroit sympa. Avant tout, je commence par faire une nettoyage du vélo graissage de la chaîne, qui agonisait lors de mes derniers kilomètres. Au final je décolle vers 11h sous un soleil qui tape.


Les villages que je rencontre sont tous construits sur le même modèle: des maisons blanches disposées sur une colline, atteignables par un dédale de routes étroites. Les environs ont l'air secs et inhospitaliers. Il fait vraiment chaud aujourd'hui, alors même que je gagne en altitude, entre 600m et 1000m, du côté sud de la Sierra Nevada, la plus haute chaîne de montagne de l'Espagne.

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À la frontière avec le désert de Tabernas

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Canjayar

Cette zone porte le nom de Alpujarra. C'est une vallée qui s'étend d'Almeria à Grenade, un peu en hauteur, coincée entre la Sierra Nevada et la Sierra de Gádor. En conséquent, même si elle est relativement proche de la Méditerranée, je me sens bien loin de la mer. Elle n'est traversée par aucune autoroute et la route principale est plutôt calme.

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Quand j'atteins Fondon, une ville autrefois prospère en raison de l'exploitation minière du fer dans la Sierra de Gádor, je vois pour la première fois un sommet de la Sierra Nevada enneigé. Il est un peu plus loin, vers l'Ouest et c'est probablement le point le plus élevé d'Espagne, le Mont Mulhacén qui culmine à 3478 mètres.

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La neige est de retour

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un mineur de Fondon

La ville suivante s'appelle Laujar de Andarax. Je vais voir le camping indiqué à l'entrée de la ville; c'est très sympa et ça suffira pour la nuit. C'est donc là, après seulement 42km, mais quand même 1000m de dénivelé positif, que s'arrête ma journée de "cyclisme-repos".

Ca ne parait pas grand chose mais c'est quelque chose de magique, d'avoir tout en un seul et même endroit: une douche, le wifi et un endroit pour dormir. Pas besoin de courir partout et d'évaluer la faisabité / le risque / la sécurité / la qualité des différents endroits de campements et je peux me détendre pour le reste de la journée. Je prends une douche, soigne mes bobos, lave mes habits... je me sens renaître. Je découvre des muscles insoupçonnés de mon dos ainsi qu'un bleu sur mon épaule, résultat de ma séance de portage de vélo. Et surtout, mes doigts sont clairement bronzés: c'est officiel, le soleil brille.

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Le bronzage cycliste apparaît enfin, après 50 jours sur la route

C'est bon de se lever et de se sentir propre et, compte tenu de la chaleur, d'être en mesure d'enfiler ma chemise à manches courtes pour la première fois du voyage.
Loic me dit qu'il y a deux routes pour continuer dans la vallée : une en bas (large et fréquentée) et celle au dessus (dure et pittoresque) jusqu'à Trevélez à 1480 m. Je suis déjà à 900m, à Laujar de Andarax, donc la deuxième me convient bien.



Il faut également que je pense à faire des courses en avance car demain c'est le 25 Décembre et tout sera fermé. Le mini supermarché de Laujar à une longue file d'attente à la caisse. Je n'essaie même pas et poursuis ma route vers Alcolea. Là bas je réussis à avoir les trois derniers pains du magasin, j'atteins la marque des 3000km, et ... je descends. Les 20 premier km de ma modeste ascension sont en descente. La journée s'annonce plus difficile que prévue...

Ce n'est qu'une fois descendu à 500m, à Ugijar, que je recommence à grimper tout ce que j'ai perdu. Je l'ai un peu en travers de la gorge... Je tombe sur un magasin ouvert et j'en profite pour acheter d'autres truc à manger, juste au cas où. Maintenant je suis prêt pour la montée.

Je transpire et transpire encore avant d'atteindre Valors, la première ville située le long de la partie pittoresque de la route. Je suis désormais vraiment dans la Sierra Nevada, coté sud, où la route dessine le contour de la montagne à plus de 1000m.

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Valor, de retour dans les collines

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Valor

Je sais maintenant pourquoi Nadal, Contador, Alonso, les équipes de football et de basket-ball... ainsi que tout le sport espagnol, se portent bien ces temps-ci. Ce n'est pas parce qu'ils ont de bons médecins, mais parce qu'ils ont des aires de gym installées partout à l'extérieur, dans les plus petites villes et aux endroits les plus inattendus.

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gym en extérieur au milieu de nulle part

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La route est en effet très pittoresque. J'ai l'impression d'être sur le balcon de la Sierra Nevada, avec vue sur les autres collines bordant la mer Méditerranée, les petits villages au fond de la vallée, et ceux qui sont sur ma route «d'altitude», cachés par les virages.

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Fuentes, les fontaines sont partout le long de la route, m'apportant de l'eau potable en direct de la montagne, pour me faire transpirer encore plus

« Pittoresque » ne veut pas dire que je peux me contenter d'admirer le payage depuis ma selle pour autant. La route n'est ni plate, ni en montée progressive, elle ne cesse de monter et descendre. De 1000 à 1200, puis 1100, puis jusqu'à 1300, puis descente à 1200, puis encore 1300 et quelques... et j'arrive bientôt à Trevélez, plus connu comme étant le plus haut village d'Espagne. Il est 18h et il ne me reste que 7km et 100m de dénivelé positif à parcourir. En plus c'est la veille de Noël et je me sens obligé de trouver un endroit décent pour camper cette nuit.

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Trevélez a ceci de spécial qu'elle est cachée dans une entaille faite au gros gateau qu'est la Sierra Nevada. La route ne saute pas d'un coté à l'autre et elle porte à 15km la distance qui pourrait être de seulement 500m si un pont avait été construit. Par conséquent le village se trouve juste au pied du mont Mulhacén (3478m) et, je suppose, ne jouit pas du beau point de vue que l'on peut avoir sur " l'extérieur" de la route.

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Coucher de soleil à 1400

C'est pourquoi je décide de rester sur cette partie dégagé de la route plutôt que d'entrer dans Trevélez. Je monte ma tente au plus bel endroit que j'ai pu trouvé, au sommet d'une bosse, faisant face à toute la vallée de l'Alpujarra. Au crépuscule j'aperçois toutes les voitures circulant sur les routes de la vallée grâce à leur phares. Je vois les lumières des maisons, tout. Je peux également voir le sommet enneigé du mont Mulhacén, le plus haut point d'Espagne. Le soleil couchant occupe 45° de mon champ de vision et je suis témoin d'une palette de couleurs, allant du rouge au bleu profond du ciel, arborant les premières étoiles de la nuit. C'est en endroit merveilleux à 1400m. Il fait 8°C à l'extérieur alors que je suis en train de cuisiner, mais je n'ai pas l'impression d'avoir froid. Et j'attends avec impatience un magnifique lever de soleil.

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Nuit de la Sierra Nevada

Dans la matinée du 25, mon levé de soleil est gaché par un ciel gris et nuageux. Je compense en prenant un petit déjeuner bien consistant, ce qui est possible étant donnée que j'ai réussi à mettre du pain de coté pendant plus d'une journée (un vrai défi).

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Mais mon petit déjeuner est gaché à son tour par les gouttes de pluie. C'est le signal pour un emballage d'urgence avant que ma tente et mon matériel soient mouillés. Je fonce à Trevélez, une main sur le guidon et l'autre tenant le sandwich-déjeuner, en je me fait légerement arroser en cours de route.


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Trevélez est également connue pour son jambon. Sur la place principale, je suis surpris de voir que tous les magasins sont ouverts, en ce matin calme et vide du 25 décembre. La plupart d'entre eux vendent du jambon et ont des dizaines d'exemplaires en train de sécher sous les plafonds.

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Toucher le ciel de Trevelez

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Il y a même une gran reserva pour le jambon

Je prends quelques tranches pour gouter le jambon (qui est vraiment délicieux) et une petite part de gâteau aux figues. C'est petit mais c'est 250g d'énergie pure, ce qui en fait un en-cas efficace.

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Une fontaine spéciale en Portugos : eau pétillante parfumée avec des clous rouillés. Il vient tout droit des montagnes, elle doit être bonne

La route continue à faire des hauts et des bas en passant par d'autres villages, Busquistar, Pórtugos, Pitres, Pampaneira, jusqu'à ce qu'elle quitte enfin les contreforts de la Sierra Nevadapour descendre à Orgiva. Je suis toujours dans les nuages avec une pluie fine. Je suis un peu mouillé mais pas trempé, et j'évite miraculeusement les épisodes de forte pluie en trouvant des abris à la dernière minute.

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Au-dessus des nuages

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Sous les nuages

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Le petit village touristique de Pampaneira

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Descente sur Orgiva

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Abri anti pluie

Je passe Lanjarón, une ville bien connue pour ses eaux et aussi la ville la plus occidentale de l'Alpujarra, et je traverse l'autoroute allant de Grenade à la mer pour trouver un endroit où camper.

Toutes les éoliennes tournent, j'ai en effet un vent fort contre moi.

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Des éoliennes

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Le château de Lanjaron

Je dîne et profite du wifi dans un restaurant où les gens célèbrent Noël en parlant fort et en buvant beaucoup. Après les oranges et les olives, je complète ma collection en campant dans un champ de citronniers. Même si j'ai fait l'impasse sur Grenade, une ville dont on ne m'a dit que du bien, ces trois jours passés dans l'Alpujarra ont été fantastiques.

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