Je pensais atteindre les Gorges du Tarn une fois descendu du plateau de l'Aubrac, à La Canourgue. Mais je n'y suis pas encore, et la route remonte sur une vingtaine de kilomètres. Quand j'atteins les Gorges, je suis à nouveau à mon altitude de départ, à 900m.
En contre bas, le village de Saint-Chély-du-Tarn m'apparait comme une miniature. La descente dans le canyon est magnifique. C'est sur une route étroite, accrochée aux falaises comme par magie, que je descends jusqu'à Sainte-Enimie.
C'est un très beau village situé au bord du Tarn. Tous les commerces sont fermés et on dirait un village fantôme, alors qu'en été ça doit surement être rempli de touriste.
Il est temps de commencer ma descente le long du Tarn. La route est sculptée à même la falaise quand le bord du canyon est trop abrupt. Parfois il y a un petit renfoncement et je trouve un terrain de camping ou encore quelques habitations.
Hauterives, un village sur la rivière, était autrefois un point de passage lorsque le transport fluviale était de mise. Quand la route fut construite, du "mauvais" côté, le village s'est retrouvé isolé. Il n'y a aucun signe de vie ici.
En ce dimanche après-midi la route est totalement vide et je fais mon petit bonhomme de chemin le long de la rivière, seule route possible entre les murs du canyon, gigantesques et silencieux . Le ciel a été gris pendant toute la journée, mais j'ai fait beaucoup de pauses photo. Il me reste encore 30km pour atteindre Millau et son viaduc (que je veux voir, et qui marque aussi la fin de mon aventure canyon) quand le coucher de soleil, que je devine, sonne la cloche d'un dîner bien mérité. Je trouve un abris sous un toit, à coté d'une petite aire de repos dans un virage. Si jamais il pleut cette nuit je serai à l’abri. En plus je tombe par hasard sur un magasin de location de canoë fermé, avec une prise électrique à l'extérieur. C'est la nuit la plus chaude depuis mon départ, il fait encore 11°C à 20h, environ 5°C de plus que d'habitude, ce qui me permet de rester dehors toute la soirée. J'en profite pour finaliser le montage de ma vidéo sur la Suisse.
Avec l'Aubrac hier et le canyon du Tarn aujourd'hui, j'ai pu traverser des paysages magnifiques que je n'avais pas prévu de voir, mais dont on m'a parlé en cours de route. Le fait de ne pas avoir un planning figé a laissé la porte ouverte à ces petites surprises, et tout s'est bien passé.
Je me réveille... ébloui par une lampe torche. Dimanche vient juste de s'achever, il est 2h du mat' et la police de la route est en train de me dégager. On m'informe que je n'ai pas le droit d'être là où je suis. Qu'il est interdit de camper dans le canyon. Que je dois trouver une auberge (qui sont toutes fermées au cours de cette saison anti-touristique, sans oublier qu'on est en plein milieu de la nuit). Que je dois partir au plus vite. Que je ferais mieux ne pas être sur leur chemin plus tard dans la nuit ou dans les prochains jours. Et que je devrais déjà être au poste. Puis ils partent.
Je n'arrive pas à pas croire qu'on paye des gens pour patrouiller un dimanche soir, dans une vallée vide, où même la plupart de ses habitants ont fuit, pour dire des chose comme ça. Avec la fraîcheur d'un cerveau réveillé en plein milieu de la nuit et balancé sur la route en l'espace de quelque minute, je me retrouve à pédaler dans l'obscurité sans destination, étant donné qu'on m'interdit de dormir en dehors d'un hébergement payant (qui sont tous fermés). Cela n'a aucun sens.'
Soudain un détail me reviens. Ils ont eu la gentillesse de m'explique la loi en détail: camper (càd, dormir dans une tente) est interdit, mais tant que je ne suis pas sous une tente, je suis autorisé à dormir n'importe où dans le canyon. C'est ma seule option étant donné que je n'ai nulle part où aller et ces flics, conformément aux clichés, ont l'air aussi intelligents que leurs pieds. Il n'y a pas trop d'endroits pour se cacher dans le canyon, de sorte que je m'arrête au premier virage présentant un bout de terrain en retrait de la route, dépose ma bâche en plastique dans l'herbe, enfile mon sac de couchage et fini ma nuit sur place.
Je me réveille, cette fois par mon alarme, et heureusement je suis toujours sec. Mais au moment de remballage, des petites gouttelettes commencent à danser dans les airs. Le mauvais temps se réveille aussi.
Je pédale jusqu'à la ville voisine, Les Vignes. Le paysage doit être très joli en temps normal, mais aujourd'hui c'est brumeux et il commence à pleuvoir. La lumière est mauvaise et du coup rien ne vaut la peine d'être photographié.
Naturellement, tout est fermé dans Les Vignes, excepté le café à la sortie du village. La dame me dit qu'elle ne reçoit aucun client sauf les travailleurs (qui élargissent la route plus bas dans le canyon) quand ils font une réservation et parfois les villageois. Et moi. Je prends un café en regardant la petite averse qui va en s'intensifiant, et comme la route au fond de la gorge est bloquée pour les travaux (novembre est la période de l'année où on ferme les magasins, prend des vacances et répare les infrastructures), je dois remonter pour en sortir et passer par les causses. Il est seulement 10h et la journée pourrait difficilement être pire.
J'ai deux options pour continuer, soit du côté ouest du canyon en passant par Massegros, soit du côté est jusqu'à un autre canyon. Dans tous les cas je dois trainer ma carcasse de 400 m à 900 m. Je choisis la première option, celle qui passe par la Côte des Vignes. Vu d'en haut, je me déplace seulement de 100 mètres vers l'est. De mon point de vue, au ras du sol, ca fait un paquet de zigzags et pas mal de sueur sous la pluie (voir le profil de l'étape ci-dessus). Le Département a installé des panneaux à chaque virage en épingle pour annoncer l'angle de la pente sur les prochains kilomètres. C'est très précis.
Dix kilomètres plus loin, mes vêtements humides mais pas trempé, j'atteins Le Massegros. Tout ça pour redescendre dans le canyon par une autre route, ce qui me permet de court circuiter la portion de route en travaux en contrebas. Mais la pluie tombe de plus en plus fort et je trouve refuge à la Poste jusqu'à midi, puis dans une épicerie jusqu'à midi et demi. Je me fait la remarque que, étant donné qu'il pleut, je suis finalement plutôt sec, ce qui est positif. Un demi saucisson plus tard, je me rends compte que si je reste au sec ici, je serai coincé dans cette petite bourgade jusqu'au soir et finirai par avoir froid, ce qui me pousse à renfiler les gants et prendre la route sous la pluie, en espérant que la grande ville de Millau, à 30km d'ici, m'apportera des solutions.
Donc me revoilà sur la route, prêt à me faire tremper. Je négocie la redescente dans la gorge, qui doit certainement être très agréable avec un beau temps. J'essaie d'imaginer combien ça doit être beau sous un ciel bleu, mais ça ne fonctionne pas. Mon seul but est maintenant d'arriver à Millau et trouver un endroit pour me sécher et passer la nuit.
J'atteins Millau après 50 km de vélo. Etant donné les conditions météo, je décide que ça suffira pour la journée et je pars réserver une nuit dans une chambre d'hôte. L'office de tourisme m'indique également la présence du centre d'accueil du viaduc de Millau, juste sous le viaduc lui-même, à 5 km de la ville, qui ferme à 17h. Comme je suis venu à Millau principalement pour voir cet ouvrage je me remet en selle et pédale jusqu'au viaduc.
Il s'agit du « Viaduc à haubant le plus élevé du monde ». Il culmine à 343 mètres et les voitures circulent à 270 mètres au-dessus du Tarn. Il fait 2 460 mètres de long, c'est plus court que ce à quoi je m'attendais, et il permet à l'autoroute de relier un plateau à un autre. De cette façon, les voitures n'ont pas à descendre dans la vallée pour faire des embouteillages dans la ville de Millau et ensuite remonter de l'autre coté. Il peut résister à des vents allant jusqu'à 200 km/h, ne se déformant alors que de 40 cm par rapport à sa position initiale. Les 7 piliers représentent 53 000 m 3 et 135 000 tonnes de béton, tandis que le pont, entièrement en acier, pèse 36 000 tonnes. C'est 5 fois le poids de la tour Eiffel. La surface au sol occupée par la plus grand pile (245 m, la pile la plus haute du monde) équivaut à un court de tennis. La vidéo retraçant les 3 années de la construction du viaduc est très intéressante, même si le reste du centre ressemble à une salle d'exposition dédiée à la société qui l'a construit (Eiffage).
À l'entrée du centre de visite, déserté comme tous les endroits touristiques ce mois-ci, se trouve un homme avec un trépied qui semble heureux de me voir arrivé. C'est un journaliste pour une émission de télé et il a besoin de gens à filmer avec sa caméra. Il n'y a que le guide et moi. Du coup j'ai droit à une visite guidée gratuite du centre et du point de vue, mais je dois répondre à une question au micro. « Qu'est-ce que vous inspire le viaduc ? ». Mes gants sont trempés, mes chaussettes aussi, il pleut, et je me rends compte que "342m pour chaque section de tablier" ou encore "le tablier pèse 36 000 tonnes" ne sont pas des réponses valides. Tout ce que je vois c'est un pont, très spécial, certes, mais un pont quand même. Donc je suppose que je ne laisserai pas un souvenir impérissable lors de mon passage dans l'émission. De toute façon, étant donné l'heure de diffusion, il n'y aura pas beaucoup de téléspectateurs. Mais il y a une séquence où je pédale sous le viaduc et il se pourrait qu'ils en tirent quelque chose de potable. (« Météo à la carte » sur France 3 en semaine à 12:55, probablement courant décembre).'
Certaines personnes avaient prédit que je passerais à la télévision, et leur prédiction s'est donc déjà réalisée. Mais je suppose qu'ils ne pensaient pas que ce serait parce que j'allais être le seul gars à bien vouloir pédaler sous la pluie pour aller visiter une exposition sur un tas de béton ce jour-là.
Pour fêter la fin de cette mauvaise journée, qui en fin de compte fini mieux qu'elle n'a commencée, je visite la boulangerie voisine et me prend une spécialité locale : un feuilleté au roquefort, réchauffé au micro-ondes. L'odeur qui atteint mes narines dès que je reçois ce cadeau dans mes mains me fait penser que ce n'était pas si une bonne idée. Au point où j'en suis, je me fiche d'être trempé, car je sais que j'ai un toit où dormir cette nuit. Je me rends à ma chambre d'hôte où je peux entendre la pluie battre le toit sans discontinuer. C'est un son agréable quand on est au sec. Mais il a plu presque toute la journée et les prévisions pour les prochains jours m'empêchent de dormir sereinement?'
Je repars de Millau avec des vêtements secs et continue mon parcours le long du Tarn. Là où je suis on n'appelle plus ça les gorges du Tarn, mais la vallée du Tarn ou Les Raspes du Tarn. Les pentes de chaque coté de la rivère sont moins prononcées, plus arrondies, et c'est également plus désert. La route fait parfois juste la largeur d'une petite voiture.
La vallée en elle-même semble appartenir à EDF qui a installé des barrages tous les 10 ou 20 km. Chaque barrage a un village à proximité, avec sa cité EDF, faite de maisons semblables et accueilant probablement toujours des employés des centrales.
J'ai m'arrête également quelques minutes sur le bord de la route pour nettoyer ma chaîne qui commence à faire des bruits de casserole. En fait je ne l'ai pas le nettoyée depuis Zweisimmen en Suisse, et elle a subi le mauvais temps. Alors que je cherche de la WD-40, je rencontre un couple très sympathique qui m'invite pour prendre un petit repas.
Après 50 km dans la vallée, j'en sors afin de tirer tout droit vers le sud. C'est là, vers 17h, que je vois une grande masse sombre se déplaçant dans le champ à proximité de la route, s'apprêtant à la traverser. Avant que j'ai le temps de faire un demi-tour, j'ai l'impression de voir un énorme sanglier qui court comme un ours brun. À ce stade, je suis prêt à croire que c'est un ours, mais c'est trop improbable. Le temps que mon appareil et moi-même soyons décidés à aller voir du plus près de quoi il retourne, la bête à déjà disparu. Hmmm... la nuit approche et je dois monter la tente avant le dîner, mais je préfère pédaler encore quelques kilomètres pour m'éloigner de cet endroit. Je monte finalement ma tente à proximité d'une ferme et d'un petit ruisseau.
Félicitations pour vos réalisations de tous les jours, bonne chance ! Lorsque vous avez le téléphone d'Espagne pasamelo s'il vous plaît si un jour je vais appeler savoir como te aventure va ! curage Bon !
Hé ouais. Tu me prévenais a propos de la pluie, c’était pas le plus méchant ni le plus froid!
Je pensais qu’il y avait que les flics américains pour te faire chier à 2h du matin alors que tu déranges personne. Et bien non, on a les mêmes à la maison !