Aujourd'hui c'est “ le jour J ”. Le jour qui a focalisé mes angoisses toute cette semaine passée. Un jour qui consiste tout simplement à faire 50 km jusqu'à Andorre-la-vieille, pour traverser la frontière entre la France et l'Andorre à une altitude de 2408 mètres, en suivant une pente modérée ( 30 km tout en montée).
Le facteur risque est que nous sommes maintenant en décembre, et les prévisions ont annoncé des vagues de froid, de fortes chutes de neige à partir de 500m, émis des appels à la prudence sur les routes, etc.. Le problème c'est la météo: si elle mauvaise au point de ne pas pouvoir prendre la route, il faudra que je fasse le tour des Pyrénées jusqu'à la côte Est (et au passage sortir de Ax-les-Thermes par les petites routes,qui doivent être au moins aussi vallonnées que celle par lesquelles nous sommes arrivés). Si le temps se gâte en cours de route, nous risquons de nous retrouver coincés dans un village, un refuge ou, pire encore, sur la route, pendant des jours. En revanche, si tout se passe bien, la route descend jusqu'à Barcelone, puis c'est l'Espagne, le soleil et le bonheur. Cette route est censée être ouverte toute l'année, mais un vélo, on ne peut pas dire que ce soit aussi stable et à l'aise sur la neige qu'une voiture …
Nous avons suivis les prévisions au cours des derniers jours, nous avons passés plusieurs cols dans les environs, nous avons été plusieurs fois mis en garde et nous avons reçu quelques rares et timides encouragements de la part des gens que nous avons rencontré. Monter à 2400m en vélo à cette saison, ce n'est pas la chose la plus intelligente à faire. Du froid, de la neige, des routes gelées, … Ca ne se présente pas super bien pour l'instant, mais j'avais planifié cette ascension (à la va vite et il y a 2 mois) et maintenant que je suis face à la bête, il faut que je me jette à l'eau.
Nous sommes un lundi, il devrait donc y avoir moins de trafic que le week-end, quand tous les français vont à Andorre pour acheter des affaires et des cigarettes à pas cher. Les dernières prévisions météorologiques nous disent annoncent une pluie légère et un ciel nuageux, mais avec une légère amélioration à la fin de la journée. Nous ne leur faisons pas confiance de toute façon, mais cette fois, ça correspond bien à ce que nous voyons par la fenêtre : une (plus ou moins) pluie légère.
Si tout se passe bien, nous atteindrons le Port d’Envalira à 2408 mètres (apparu 8 fois au programme des 50 dernières éditions du Tour de France) puis nous entamerons une longue descente jusqu'à la capitale d'Andorre, Andorre-la-vieille, à 1000 m, légèrement au-dessus de notre altitude actuelle. C'est le plus haut point de passage entre la France à l'Espagne (et soit dit en passant, un bon moyen d'ajouter un pays de plus au compteur).
Nous prenons le petit déjeuner dans la chambre d'hôtel et préparons des sandwiches pour manger en cours de route. C'est plus facile et moins fastidieux que de le faire dehors dans le froid. Quand nous sortons de l'hôtel vers 10h30, il ne pleut plus autant que dans la matinée. C'est bon signe. Quand c'est comme ça j'ai envie d'aller à fond la caisse pour en finir avant que les conditions météorologiques ne se détériorent. Donc nous depuis Ax, à 730 m d'altitude, nous nous dirigeons vers l'ascension de 30 km, optimiste quant à la météo.
Nous arrivons rapidement Mérens à 1000 m, puis à L’Hospitalet-près-l’Andorre à 1400m. La pente modérée nous permet de progresser à une vitesse décente. Le temps est relativement clément jusqu'à présent, seulement nuageux avec des gouttelettes de temps en temps. Quand on ouvre nos vestes, c'est comme si on ouvrait une porte de hammam : on obtient de la vapeur sans fin. Enfin, “ sans fin ” … pendant 5 minutes jusqu'à ce qu'on se refroidisse et qu'on se remette en route.
La circulation est également meilleure que ce à quoi je m'étais préparé. Quelques voitures de temps à autre, parfois un camion, mais ils nous doublent correctement à chaque fois.
Nous faisons une pause à la gare de L’Hospitalet. Il s'agit de la dernière gare avant Andorre. Malheureusement, elle est fermée jusqu'à 15h00. Heureusement une salle adjacente, apparemment pour l'office de tourisme d'Andorre, est ouverte et il fait très chaud à l'intérieur. Les 3 radiateurs tournent à fond et comme nous sommes humides et trempé (pas à cause de la pluie, comme prévu, mais à force de transpirer) nous nous déshabillons pour faire sécher nos vêtements ici. Nous en profitons aussi pour manger nos sandwichs, après tout la nourriture est toujours plus utile avant l'effort qu'après. Nous avons déjà épuisé la moitié de la journée en terme de lumière disponible et le plus difficile est à venir.
Étonnamment, alors que nous reprenons la route pour attaquer les virages en épingle, le ciel devient bleu ! Qu'est-ce que ça fait du bien.
Nous sommes réellement chanceux de pouvoir faire l'ascension au beau milieu de ce magnifique paysage. Je peux enlever ma veste (chose que j'ai rarement pu me permettre de faire en France) jusqu'au Pas De La Casa à 2100 m, situé juste derrière la douane, en Andorre. C'est une station de ski et un centre commercial. D'un seul coup toutes mes angoisses liées au passage de cette frontière s'envolent.
L'endroit a l'air très sophistiqué. A l'office de tourisme, nous apprenons que la ville a environ 2000 habitants, mais seulement 200 Andorrans. La plupart sont portugais ou français. On y trouve également des remontées mécaniques en marche (depuis le 1er décembreSt), des magasins qui ré-ouvrent l'après-midi à 15:00, des centres commerciaux et encore des magasins.
Nous sommes heureux d'avoir réussi, enfin presque, car nous avons encore 300 mètres de dénivelé à grimper pour atteindre le col du Port d’Envalira. Il y a un tunnel (pour les véhicules motorisés) qui permet de l'éviter au niveau du Pas De La Casa. Cette portion de route est glacée et dangereuse. Ça glisse. Et sur les bandes blanches, ce n'est pas juste glissant, c'est carrément casse gueule. Le long de cette dernière montée nous croisons un cyclotouriste sur le chemin du retour vers le Royaume-Uni, après avoir passé 16 mois sur la route. C'est le premier que je rencontre après 30 jours sur la route! Oui, je sais, ce n'est pas la saison …
Enfin au sommet ! À 16h, nous atteignons le sommet de la route et très probablement le point plus élevé de mon itinéraire jusqu'au Cap. En voyant le panneau d'indication du col je ressens instantanément une profonde satisfaction et un grand soulagement, car j'avais peur tous ces derniers jours de ne pas être en mesure de passer par ici. Nous avons été super chanceux d'avoir un ciel bleu contre toute attente.
Cela m'enlève un énorme poids des épaules, mais la descente de 25 km sur Andorre-la-vieille n'est pas encore dans la poche. Grâce au soleil, on peut dire qu'il fait relativement chaud avec 0°C, mais je préfère ne pas avoir à tester la tente par ici. Il est possible que la route de la descente soit gelée et très dangereuse, mais en même temps elle est sur la face sud; on devrait pouvoir s'en tirer en moins d'une heure.
Il y a encore des restes de plaques de glace sur la route. Quand ça brille au soleil, c'est mauvais signe. J'ai freiner à fond pour descendre aussi lentement que possible, j'essaye de ne pas tourner mon guidon et je garde les pieds quasiment au sol. Nous faisons une pause avant Canillo pour soulager nos pauvres doigts qui , bien qu'étant congelés, doivent tenir les freins serrés.
Nos doigts qui gèlent nous empêchent de prendre de la vitesse. Bien que la température remonte, la descente et le fait de devoir serrer les freins ne font qu'empirer les choses. Nous avons maintenant allumé nos lampes frontales ainsi que les phares de nos vélos. Inutile de vérifier la carte, Andorre n'a que deux routes : une pour aller en France et l'autre pour aller en Espagne. Euh, en fait c'est la même route. Une portion tout en descente qui va de la France à l'Espagne. Il y a aussi une autre vallée à l'Ouest, La Massana, plus petite et finissant, avec encore plus se stations de ski. Il fait déjà nuit quand nous passons les premiers villages et à 18h nous atteignons Andorre-la-vieille, la capitale, à 1000 m.
Toutes les villes ont leur domaine skiable. Apparemment, ils accueillent beaucoup de touristes en hiver. La ville principale, où nous sommes maintenant, semble très propre, riche et sécurisé. Un peu comme la Suisse en plus petit, mais sans les bratwürsts et le Suisse-allemand.
J'essaie warmshowers.org pour la première fois en tant qu'invité et Gonzalo vient nous chercher au spa Caldea, puis nous sommes accueillis et mangeons comme des rois chez sa sœur.
Nous passons une bonne nuit, satisfaits et avec l'espoir que, dorénavant, le temps sera chaud et sec !
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