J'évite toujous la côte, que l'on m'a fortement déconseillée pour aller de Barcelone à Valence. La route que je prends, un peu vers l'intérieur des terres, devient plus agréable après Vilafranca Del Penedès. En effet, les carrières sont remplacées par des vignes et c'est bien mieux ainsi. Je vois aussi beaucoup de cyclistes sur la route, signe que je suis sur une route agréable.
Autre chose agréable, le son de mon vélo prope comme un sou neuf. Le moyeu à vitesses intégrées Rohloff émet généralement un petit bruit de cliquetis sur les vitesses de 1 à 7, et un peu moins de bruit sur les vitesses de 8 à 14. Sur une route goudronnée et lisse, légèrement en descente, sans aucune voiture et sans vent, sur la vitesse 12 ou 13, (et si la chaîne ne touche pas le carter) je n'entends rien mis à part le léger ronronnement du Rohloff.
Les Caga Tió est une tradition en Catalogne. De la même façon qu'il demandent des cadeaux au Père Noël, les enfants demandent à un Tió (une bûche) avec un visage peint dessus, de "caga" (caguer) des bonbons, tout en frappant dessus. Drôle de tradition… Mais cela va de paire avec le Caganer (l'équivalent du Père la Colique en France) , ce santon qui fait caca à côté de Jésus dans la crèche.
Je m'arrête à Valls pour prendre un repas chaud. C'est rare que j'ai faim juste au moment où je suis en train de traverser une ville, et je n'ai pas toujours envie de m'asseoir à une table quand il fait jour alors que je pourrais être en train de pédaler. En effet, les journées sont courtes, alors qu'après 17h, j'ai 15 heures de nuit avec rien à faire, à part manger, dormir et trier des images. Pas vraiment équilibré. Du coup je me retrouve la plupart du temps à manger du pain et d'autres choses que j'emporte avec moi ou encore des biscuits et des fruits.
Après Alcover, je dois traverser les petites collines de Montsant / Montanyes de Prades. C'est le prix à payer pour éviter d'être avec les voitures sur les routes principales de la côte.
J'avais de petites collines en tête, jusqu'à ce que j'entame la montée avec un panneau “routes sinueuse sur 25 km”. À l'exception d'une pause pour manger des pruneaux d’Agen écrasés, rescapés de mon panier qui contient les pièces de rechange pour le vélo, je fais l'ascension à un rythme soutenu et atteins, un peu surpris, une altitude de 1000 m. Je ne pensais pas me retrouver si haut.
La brume est à nouveau de la partie, je n'ai presque aucune visibilité et il fait nettement plus froid qu'avant. Je suis proche d'atteindre les 100 km aujourd'hui, ce qui m'est rarement arrivé jusqu'ici, étant donné que j'étais toujours avant ou dans une ascension. Bien que j'ai une ascension aujourd'hui j'ai la possibilité d'atteindre la marque, donc je décide de continuer et tant pis s'il est 17h passée et que le ciel s'assombri.
Et soudain, sur cette route déserte, au milieu de nulle part (avec le brouillard qui aide à se sentir seul au monde), se trouve un refuge de montagne, ouvert, à 300 m de la route. Quelle chance! Je m'y rend, rencontre le proprio froid; ce n'est pas gratuit et il faut même débourser 4,80€ pour camper. C'est crétin, on peu camper n'importe où ailleurs sur cette montagne. Donc je continue à pédaler un peu plus, après tout je n'ai pas encore atteint les 100 km.
Mais quelques minutes plus tard, je tombe sur une maison abandonnée qui n'attendais que moi pour faire un feu et me réchauffer. Du coup je m'arrête en ayant parcouru seulement 99,8 km.
Le lendemain je me réveille avec 3°C au thermomètre. Et pourtant j'ai bien dormi et je ne ressentais pas particulièrement le besoin de me lever. Si je suis si bien habitué au froid, comment je vais faire pour dormir quand je serai en Afrique de l'Est ?
S'il fait encore si froid ici, en Espagne, c'est que je suis à 1000 m au-dessus du niveau de mer dans la Muntanyes de Prades. L'avantage d'être monté ici ? Je le vois de manière quasi instantanée après avoir remballé et mis le premier coup de pédale: je suis sur une route étroite, fraîchement goudronnée, et qui peint le contour d'une longue falaise. Si l'on ajoute à cela le fait que je ne croise aucune voiture pendant les 10 premiers km, et la lumière du soleil levant, réfléchie par la Méditerannée que je devine au loin, cela en fait une des rares matinées où je suis content de m'être levé.
Je suis assez proche de la côte, tout en étant au-dessus de tout. Chaque fois que je prends une “petite route en montée” pour éviter le trafic, je me retrouve 10 fois plus haut et transpirant que prévu. Ca m'énerve de devoir galérer alors que la route facile est si près, presque paralèlle à la mienne. Et puis une fois dans la descente, je me dis que cétait le meilleure choix possible. A chaque fois.
Ces collines n'échappent pas à la règle. En prime, j'ai l'occasion de visiter un village abandonné, que je prends d'abord pour un centre de vacances qui aurait fait faillite, mais qui est en fait un ancien camp militaire, Les Castillejos. Par la suite, je vois une grande carrière. Et pour me récompenser d'avoir dormis en hauteur dans le froid je passe la journée à faire des descentes.
Enfin que des descentes… il faut le dire vite car les montées ne se laissent pas oublier si facilement. J'ai encore droit à quelques montées / descentes avant d'atteindre à nouveau le plancher des vaches. Le premier pueblo que je croise s'appelle Porrora; il y a plus de caves à vin que d'espaces publics indiqués sur le panneau d'information, et aussi une boutique. Le petit déjeuner tant attendu se transorme en déjeuner. J'ai aussi l'occasion de nettoyer ma casserole car j'ai brulé le fond hier en essayant de faire cuire les pâtes en même temps que la soupe (économiser l'eau, ça ne marche pas à tous les coups), puis je pars à l'assaut de la dernière montée.
Le décor consiste en une succession de vignobles. C'est agréable mais répétitif à la longue. Je n'avance pas et j'aimerais bien accumuler les kilomètres un peu plus vite. Je décide d'agir à Falset : je prends une nationale avec les camions (je n'ai pas d'autre solution, sauf à vouloir doubler la distance). La route rectiligne, l'absence de visibilité, la vigilance dont je dois faire preuve quand les camions me doublent, font que je fonce sans m'en rendre compte jusqu'à Mora, sur le fleuve Ebre. De là, il me suffit de le suivre le fleuve jusqu'à Tortosa et la mer.
Il y a 2 chemins, de chaque côté de l'Èbre. Je prévois de zigzaguer, grâce aux passerelles, pour emprunter les segments les plus calmes et les plus pittoresques. Arrivé au niveau du pont annoncé sur la carte à Miravet il … n'y a pas de pont. A la place il y a une embarcation qui permet de traverser l'Ebre en étant tiré le long d'un câble.
Les gens qui attendent là m'indiquent que la première traversée de la journée à lieue à 15h, et ma montre indique 14:53: je décide d'attendre pour prendre le "bateau".
Le reste de la route jusqu'à Tortosa est vallonné ( vu que j'ai choisi l'option sans camions), et mes jambes ont besoin de repos. Je ne vais pas faire long feu. La région est bien occupée par les agriculteurs: il y a plein de plantations d'oranges et c'est comme si la route était parfumée. Il y en a partout, jusqu'au bord de la route. Je n'ai même pas à descendre de mon vélo pour cueillir les fruits. C'est comme un supermarché gratuit, avec des tailles différentes à chaque champs. Le plus dur consiste à peler les oranges en pédalant, mais on y arrive. Je me rattrape sur ma consomation de fruits, que j'ai négligés jusqu'ici au profit du fromage et du saucisson.
Certains champs d'oranger ressemblent à des terrains de foot, avec un tapis d'herbe attrayant disposé entre les rangées d'arbres. J'aimerais y camper et me réveiller au milieu des oranges. Je demande à une fermière agée qui m'envoie plus loin, et j'atterris pas loin de la ville, pas dans les oranges, mais dans un endroit pas trop mal. Etant près de Tortosa je peux aller manger au chaud et avoir du wifi avant de revenir pour dormir.
On dirait qu'il a plu pendant que je mangeais, mais maintenant le ciel est dégagé. Dégagé, mais sans étoiles, car la pollution lumineuse de la ville de 35 000 habitants est importante. Cependant, en levant les yeux au ciel je suis gratifié de 3 étoiles filantes en 3 secondes. C'est un bon rapport. Encore une autre 3 secondes plus tard et je vais au lit, réalisant enfin ce qui a changé par rapport à avant: il fait 10°C. Ca y est c'est fait, j'ai passé l'énorme écart de température (dans le bon sens) !
Merci !
Oui, je suis à Valence chaud et confortable (bien, que c'est chaud à l'extérieur).
J'ai évité de Tarragone par les intérieurs.
Étant donné que j'attends d'avoir une bonne connexion pour télécharger des photos et les publier, il y a toujours un délai de 2 à 5 jours entre quand les choses se passent et quand je peux poster une mise à jour.
JB, vous avez un endroit où dormir à Valence ou dans la région ? Je ne vois aussi peut-être à Tarragone... laissez-moi savoir par écrit un e-mail à moi...
superbes photos!!